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Pathologie numérique et intelligence artificielle à l’ère de la médecine de précision

La pathologie a récemment pris le tournant de la révolution numérique notamment avec l’avènement de scanners de lames de tissu très performants. Comme sa consœur du monde de la radiologie, cette source d’imagerie permet aux algorithmes notamment d’intelligence artificielle (IA) d’explorer à grande échelle ces données très riches d’un point de vue biologique et clinique. La révolution de l’intelligence artificielle de la dernière décennie accompagne donc celle des services d’histopathologie au service de la médecine de précision dans le domaine de l’oncologie. Cet article propose une introduction à la fois des concepts propres à l’IA et de ses applications en pathologie numérique pour le diagnostic, le pronostic et à la stratification des patients susceptibles de répondre positivement à certains traitements, avec comme objectif la mise au point de tests compagnons in silico. Certains des travaux présentés sont le fruit de plusieurs années de collaboration entre nos différentes équipes, dans une approche interdisciplinaire combinant la vision par ordinateur, l’IA et de la médecine.

Immunothérapie dans le cancer colorectal : données actuelles et perspectives

L’arrivée de l’immunothérapie, et plus particulièrement des inhibiteurs de points de contrôle immunitaires anti-PD-1/PD-L1, a constitué l’avancée majeure dans le traitement du cancer des dix dernières années. Présentant une charge mutationnelle élevée et un fort infiltrat immunitaire, les cancers colorectaux avec instabilité des microsatellites ont rapidement été identifiés comme des candidats potentiels à l’immunothérapie, ce qui a été suggéré par plusieurs essais de phase II et confirmé plus récemment par une étude de phase III (essai KEYNOTE-177). Cependant, le caractère prédictif de l’instabilité des microsatellites reste imparfait et des résistances primaires à l’immunothérapie sont observées dans un nombre non négligeable de cas, soulignant la nécessité d’identifier des biomarqueurs prédictifs supplémentaires pour sélectionner les patients bénéficiant le plus de l’immunothérapie. Pour les tumeurs sans instabilité des microsatellites, représentant la majorité des patients, l’efficacité des inhibiteurs de points de contrôle immunitaires semble limitée. Cependant, certaines caractéristiques moléculaires au sein de ces tumeurs semblent prédire l’efficacité de l’immunothérapie, telles que les mutations de POLE et la charge mutationnelle élevée. D’autre part, l’augmentation de l’immunogénicité de ces tumeurs par des combinaisons thérapeutiques, notamment avec des anti-angiogéniques ou des inhibiteurs de tyrosine kinase, constitue une piste de recherche prometteuse pour améliorer l’efficacité de l’immunothérapie.

L’altération transitoire des systèmes de réparation de l’ADN comme mécanisme de résistance aux thérapies ciblées dans le cancer colorectal

La résistance des cellules tumorales aux thérapies ciblées a un impact clinique  majeur dans le traitement  du cancer, toutes causes confondues. Les mécanismes de résistance semblent multiples mais restent encore à déterminer, à l’instar de ceux observés chez les bactéries.

L’objectif de cette étude est d’évaluer l’adaptation des systèmes de réparation et de réplication de l’ADN de cellules de cancer colorectal comme mécanisme de résistance aux thérapies ciblées. Plusieurs lignées cellulaires humaines de cancer colorectal BRAF mutées (mutation V600E) et sauvages ont été utilisées et traitées par cetuximab seul ou cetuximab et dabrafenib pour les cellules BRAF mutées.

Les résultats montrent que les cellules tolérantes à ces traitements ont une régulation négative des sys­tèmes de réparation et de réplication de l’ADN (système MMR et recombinaison homologue), une augmen­tation concomitante des polymérases favorisant les erreurs de réparation de l’ADN et une augmentation de leur capacité à muter. Ces modifications conduisent à des altérations des régions microsatellitaires. Elles sont observées in vivo dans un modèle de xénogreffe de patients et ex-vivo sur des prélèvements tumoraux de patients sous traitement. Ce phénomène est réversible et serait donc un mécanisme de résistance tran­sitoire aux thérapies ciblées.

En conclusion, l’altération des systèmes de réparation de l’ADN en réponse à un traitement par anti-EGFR et anti-BRAF semble être un des mécanismes de résistance des cellules de cancer colorectal aux thérapies ciblées. Il serait intéressant d’étudier s’il existe des signatures de mutations spécifiques qui émergent lors de traitement par thérapies ciblées.