Editorial

Chers collègues,
Ce numéro de LA REVUE Immunité & Cancer fait un point complet sur l’actualité de l’immunothérapie par inhibiteurs de points de contrôle immunitaire (ICI) dans les tumeurs digestives à microsatellites instables (MSI), où les ICI ont révolutionné le traitement des tumeurs localisées et métastatiques. Les meilleures approches thérapeutiques qui permettront d’établir des recommandations définitives y sont discutées (cf. Mise au point ; Maxime Rémond, Thomas Aparicio). Encourageant, le cas clinique cite un cas de carcinome endométrial métastatique, réfractaire à la chimiothérapie et ayant une réponse exceptionnelle au pembrolizumab (Philippe Chabert, Olfa Derbel). Le dossier thématique qui porte sur la pharmacocinétique et la pharmacodynamique des ICI aborde un point sensible : celui de la dose à utiliser, des stratégies de désescalade et d’espacement des doses, avec l’objectif de maintenir l’efficacité tout en réduisant les toxicités et les coûts. Il cite des essais prospectifs confirmant la faisabilité de schémas allégés (Manon Launay, Alicja Puszkiel, Yann-Alexandre Vano, Benoit Blanchet).

Actualités dans la prise en charge des tumeurs digestives dMMR/MSI

Les tumeurs digestives présentant un défaut de réparation des mésappariements de l’ADN sont peu fréquentes : elles concernent moins de 15 % des adénocarcinomes colorectaux et œsogastriques localisés, et de l’ordre de 5 % des mêmes tumeurs au stade métastatique, mais leur fréquence augmente avec l’âge. Ces tumeurs sont remarquables en raison de leur charge mutationnelle élevée qui leur confère une très grande sensibilité au traitement par inhibiteurs de points de contrôle immunitaires. Au stade métastatique, le traitement de 1re ligne par inhibiteur de point de contrôle immunitaire est la référence, bien qu’il ne soit malheureusement remboursé en France que pour les adénocarcinomes coliques. Pour les tumeurs localisées, le traitement néoadjuvant par immunothérapie apparait très prometteur et pourrait permettre une épargne chirurgicale. De nombreuses questions restent ouvertes : pour les tumeurs métastatiques, comment prédire les résistances primaires à l’immunothérapie et quel traitement proposer dans ce cas ? Quels patients traiter par double immunothérapie d’emblée ? Quelle durée de traitement ? Pour les tumeurs localisées : quelle intensité et durée de traitement par immunothérapie pour obtenir une réponse complète ? Comment être certain d’une réponse complète permettant une épargne chirurgicale ? Ces questions devraient être résolues grâce à de nombreux essais thérapeutiques en cours ou devant débuter prochainement.

Pharmacocinétique, pharmacodynamie et stratégies de désescalade des inhibiteurs de points de contrôle immunitaire

Les inhibiteurs de points de contrôle immunitaire (ICIs) ont révolutionné la prise en charge des cancers avancés tels que le mélanome, le cancer bronchique non à petites cellules et le carcinome rénal. Leur pharmacocinétique, comparable à celle des autres anticorps monoclonaux, est marquée par une variabilité interindividuelle influencée par l’albuminémie, l’état inflammatoire et la cachexie, entraînant une augmentation de la clairance d’élimination, dynamique chez les patients répondeurs. Sur le plan pharmacodynamique, les anti-PD-1/PD-L1 atteignent une saturation de cible dès de faibles concentrations, et l’intensification posologique ne se traduit pas par un gain clinique. À l’inverse, l’ipilimumab présente une relation dose-efficacité au prix d’une toxicité accrue. Ces éléments justifient le développement de stratégies de désescalade et d’espacement des doses, avec l’objectif de maintenir l’efficacité tout en réduisant les toxicités et les coûts. Des modèles de pharmacocinétique de population et des essais prospectifs, comme l’essai français MOIO, confirment la faisabilité de schémas allégés. Ainsi, l’intégration des données pharmacocinétiques et pharmacodynamiques, combinée à une meilleure compréhension des facteurs de variabilité clinique, ouvre la voie à une utilisation plus personnalisée et économiquement soutenable des ICIs.

Réponse exceptionnelle au pembrolizumab dans un cas de carcinome endométrial métastatique réfractaire à la chimiothérapie

Le cancer de l’endomètre (CE) représente le sixième cancer le plus fréquent chez la femme et demeure de pronostic défavorable lorsqu’il est diagnostiqué à un stade avancé ou récidivant. Les options thérapeutiques standards offrent un contrôle limité de la maladie. L’instabilité microsatellitaire (MSI), retrouvée dans environ 30 % des CE, constitue un biomarqueur prédictif de réponse à l’immunothérapie anti-PD-1. Nous rapportons le cas d’une patiente de 76 ans, présentant un adénocarcinome de l’endomètre de type endométrioïde, MSI-H avec perte d’expression de MSH2/MSH6, en rechute métastatique après chimiothérapie. La patiente a été traitée par pembrolizumab en monothérapie permettant d’obtenir une réponse complète durable. Ce cas illustre l’efficacité remarquable du pembrolizumab dans un CE MSI-H/dMMR avancé. Les données récentes issues d’essais cliniques confirment l’intérêt des inhibiteurs de PD-1/PD-L1, seuls ou en association avec la chimiothérapie, dans cette population. Néanmoins, des interrogations persistent quant au bénéfice additionnel de la chimiothérapie et à la prise en charge optimale, particulièrement chez des patientes souvent âgées et comorbides. Des essais randomisés en cours, tels que DOMENICA, permettront de préciser la place de l’immunothérapie seule en première ligne.

Quel impact de la réponse au holding/bridge dans les lymphomes B diffus à grandes cellules traités par axi-cel en deuxième ligne ?

JUSTIFICATIF ET OBJECTIFS
Les thérapies cellulaires adoptives par CAR T-cells (« CAR-T ») ont révolutionné la prise en charge des patients atteints de lymphomes B diffus à grandes cellules (LBDGC) en rechute ou réfractaire (R/R). D’abord réservé à la troisième ligne et au-delà, l’axicabtagene ciloleucel (« axi-cel ») et le lisocabtagene maraleucel ont récemment démontré leur supériorité en deuxième ligne par rapport au traitement standard qu’est l’autogreffe de cellules souches hématopoïétiques (1,2). A ce jour, la stratégie optimale permettant de conduire les patients jusqu’à la perfusion de CAR T-cells reste débattue. Si la nécessité d’un traitement d’attente avant la leucaphérèse (« holding ») ou après la leucaphérèse (« bridge ») (H/B) n’a pas été clairement établie, il apparait évident que, pour certaines formes agressives et évolutives, le recours au H/B est indispensable pour assurer le contrôle tumoral jusqu’à l’infusion. Certaines données rétrospectives suggèrent que, dans le LBDGC en ≥ troisième ligne, l’obtention d’au moins une réponse partielle (RP) grâce au traitement H/B pourrait améliorer la survie sans événement (SSE) et la survie globale (SG) (3). Néanmoins, une autre étude récente, portant principalement sur des patients traités par axi-cel en ≥ troisième ligne n’a pas mis en évidence d’impact significatif du bridge sur les résultats post-CAR-T (4). À ce jour, aucune donnée de vie réelle de grande ampleur n’est disponible en deuxième ligne.

Granulomatose lymphomatoïde

La granulomatose lymphomatoïde est une entité rare classée parmi les lymphoproliférations B liées à l’EBV. Elle serait secondaire à un déficit immunitaire sous-jacent non clairement étiqueté mais responsable d’un déficit en lymphocytes T CD8 induisant une réponse anormale à l’infection latente à l’EBV. Sur le plan anatomopathologique, on retrouve un important infiltrat lymphocytaire T responsable d’une angio-invasion et d’une angio-destruction provoquant des lésions nécrotiques avec en parallèle de rares cellules B EBV+ dont le nombre permet de grader la maladie. Le diagnostic étant difficile, il est important qu’un anatomopathologiste expérimenté relise les biopsies. On distingue les grades 1 et 2 considérés comme maladie de bas grade et le grade 3 considéré comme maladie de haut grade. Cette pathologie est responsable d’atteintes principalement extra-ganglionnaires avec une atteinte quasi systématique au niveau pulmonaire. On peut aussi constater des atteintes au niveau cutané, rénal ou du SNC. En revanche une atteinte ganglionnaire ou médullaire doit remettre en question le diagnostic. Cette entité étant rare, il n’existe aucune recommandation officielle concernant la prise en charge thérapeutique. Le traitement des formes de bas grade est plutôt basé sur l’immunomodulation avec l’utilisation d’interféron-α tandis que le traitement des formes de haut grade est basé sur l’immunochimiothérapie (DA-EPOCH-R ou RCHOP21). Toutefois, le principal problème reste les rechutes fréquentes chez des patients qui conservent une immunodéficience sous-jacente face à l’EBV latent.