Éditorial

Chers collègues,
Un nombre croissant de travaux s’intéressent aux biomarqueurs non invasifs de réponse à l’immunothérapie. Deux articles leur sont consacrés dans ce numéro de LA REVUE Immunité & Cancer, l’un portant sur la valeur prédictive de l’ADN tumoral (ADNct) circulant pour la réponse à la chimiothérapie plus immunothérapie dans les cancers œsogastriques (cf. Œil de l’interne ; Anis Alachkar, David Tougeron, Camille Evrard) et l’autre sur la valeur prédictive des taux d’IgG sériques anti-annexine A2 pour la réponse à anti-PD-(L)1 dans les cancers bronchiques (cf. Article bref ; Matthieu Roulleaux Dugage, François-Xavier Danlos, Nathalie Chaput, Aurélien Marabelle). Ce dernier article discute du lien a priori surprenant, entre les anticorps dirigés contre une molécule du soi comme l’annexine A2 et l’immunité antitumorale. Le cas clinique illustre l’intérêt croissant d’une approche personnalisée guidée par les biomarqueurs comme la claudine 18.2 dans le traitement des cancers gastriques et la place de l’immunothérapie dans ce contexte (Erwan Vo-Quang, Aziz Zaanan).
L’article de mise au point (Laura Mansi, Lorraine Dalens, Clément Dubourd, Guillaume Meynard) présente les résultats contrastés de l’immunothérapie dans les cancers gynécologiques et met en lumière les résultats qui ont permis de changer les pratiques dans certaines indications.
Enfin, avec l’extension des indications des ICI à des stades précoces dans de nombreux cancers, les événements indésirables immunomédiés deviennent un enjeu de santé publique. Le deuxième article bref (Charlée Nardin, Elisa Funck-Brentano, Marie Kroemer, François Aubin) est consacré aux toxicités à long terme des ICI pour guider les praticiens dans leur détection, leur gestion, et l’évaluation du rapport bénéfi ce/risque de l’immunothérapie.
Je vous recommande pour ces journées d’été la lecture de l’entretien avec Ira Mellman publié dans Nature Reviews Drug Discovery (doi: https://doi.org/10.1038/d41573-025-00107-w). Ira Mellman est l’un des pionniers de la biologie cellulaire et de l’immunologie pour ses travaux sur les endosomes, les cellules dendritiques et les mécanismes de co-stimulation des cellules T. En 2007, il a intégré Genentech, où il a servi comme vice-président du département d’immunologie du cancer et dirigé des recherches qui ont contribué à faire progresser l’atézolizumab, les vaccins contre les néoantigènes du cancer spécifiques aux patients, ainsi que de nombreuses autres immunothérapies. Enfin, il a développé le concept du « Cancer Immunity Cycle » qui intègre les étapes nécessaires à l’induction de l’immunité antitumorale (Chen et Mellman, Immunity, 2023).
Malgré tous les progrès récents de l’immunothérapie largement décrits dans LA REVUE Immunité & Cancer depuis sa création, l’intérêt des big pharmas pour ce secteur s’amenuise. En 2024, Genentech a annoncé la décision de fermer son département de recherche en immunologie du cancer, ce qui a entraîné le départ d’Ira Mellman et de ses équipes. Ce dernier vient d’être nommé président de la recherche au Parker Institute for Cancer Immunotherapy (PICI), un institut soutenu par des fonds privés, qui développe des recherches en immunothérapie intra-muros et soutient des laboratoires d’excellence académiques américains (300 millions de dollars investis depuis 2016) développant des recherches fondamentales sur le rôle du système immunitaire dans le cancer. On peut lire sur le site internet du PICI : « Comme les engrenages et l’essence d’une voiture de course, l’infrastructure de PICI fait avancer le concept avec une effi cacité et une vitesse maximales, jusqu’à la ligne d’arrivée ».
Dans son entretien, Ira Mellman fait un point sur les raisons du virement de bord des big pharmas s’appuyant sur la redondance des mécanismes d’action des ICI, décrit les challenges auxquels l’immunothérapie doit faire face, qu’il s’agisse des CAR T-cells ou des vaccins contre le cancer et argumente l’indispensable nécessité de développer des recherches sur le système immunitaire afi n de permettre aux cellules effectrices d’ignorer la barrière ou les effets nocifs du microenvironnement tumoral. Une lecture encore porteuse d’espoirs sur les capacités du système immunitaire.
Bon été à tous et un très grand merci pour vos contributions éclairées et passionnantes.
Pr Catherine SAUTÈS-FRIDMAN
Rédactrice en chef de LA REVUE Immunité & Cancer
Rev Immun Cancer 2025 ; 9 (2) : 83.