Editorial Volume 1 – Numéro 2

Chers Collègues, Chères Lectrices et Chers Lecteurs,

 

Les résultats encourageants des essais d’immunothérapie se multiplient dans de nombreuses indications et font l’objet d’une vingtaine d’AMM, basées sur la réponse tumorale et la survie sans récidive. Ce deuxième numéro de la Revue fait une mise au point des essais réalisés avec les anti- CTLA-4, anti-PD-1 et présente les checkpoints à venir, LAG3, Tim3, TIGIT leurs cibles et leurs mécanismes d’action.

 

L’actualisation tant attendue de l’étude Keynote 006 présentée à l’ASCO 2017 sur l’évolution des patients atteints de mélanome métastatique ayant achevé les deux années de traitement par le pembroluzimab présentée dans l’« article bref » (page 71) montre que plus de 90 % des patients n’ont pas progressé, quelle que soit la qualité de la meilleure réponse obtenue. Malgré une médiane de survie relativement modeste ces résultats montrent qu’une catégorie de patients développe une réponse à long terme. On peut émettre l’hypothèse qu’en plus de leur action inhibitrice, les ICP pourraient déclencher un effet vaccinal maintenant une réponse mémoire, comme décrit lors du traitement des lymphomes B par anti-CD20.

 

Enfin l’actualisation de l’étude Checkmate 142 concernant les patients ayant reçu l’association anti-PD-1 et anti-CTLA4 confirme l’intérêt de l’immunothérapie (46 % de réponse tumorale) dans le traitement des cancers colorectaux métastatiques présentant des instabilités microsatellites (ASCO 2017). Les taux de réponse et de contrôle de la maladie sont impressionnants chez des patients en échappement à la chimiothérapie. Les données de survie encore préliminaires suggèrent un contrôle prolongé de la maladie.

 

L’immunothérapie entre donc dans la pratique clinique. Plus de 60 % des cancers sont diagnostiqués après 65 ans. Or les AMM ne sont pas restreintes sur l’âge, certaines le sont sur les patients au Performance Status (PS). Selon les cancers et les études, jusqu’à 30 % des patients se présentent au diagnostic avec un PS altéré. Dans ce numéro, nous avons choisi de discuter les modifications du système immunitaire chez les sujets âgés et les données cliniques d’efficacité et de tolérance des ICI dans ces situations. Les analyses manquent cependant d’essais prospectifs dédiés aux sujets âgés ou aux patients avec PS altéré. Il est urgent de les mettre en place.

 

Enfin, les immunothérapies ouvrent aussi des horizons prometteurs dans les cancers hématologiques. Le cas clinique concerne un patient atteint de lymphome hodgkinien réfractaire en première ligne traité par de nouvelles drogues (anti-CD30 ciblant la cellule tumorale associé à un anti-PD-1), et l’« interne » a l’ œil rivé sur les résultats de l’essai Zuma-1 de phase II de CAR-T cells anti-CD19 dans les lymphomes non Hodgkiniens.

 

Nous ne sommes qu’au début d’une ère nouvelle, devant de vrais nouveaux traitements du cancer. De multiples défis se présentent pour les cliniciens, les chercheurs, les patients et la société. La Revue va aborder le premier de ces défis dans son prochain numéro, celui de l’hyper-progression. Il y en aura d’autres tout aussi passionnants dans les prochains numéros… Nous attendons la suite avec impatience.

 

Enfin un très grand merci à tous les auteurs qui ont participé à la rédaction de ce numéro !!

 

Pr Catherine SAUTÈS-FRIDMAN

Rédactrice en chef de LA REVUE Immunité & Cancer

La révolution des checkpoints immunologiques : avancées et limites

L’immunothérapie basée sur les inhibiteurs de checkpoint immunologique (ICP) représente aujourd’hui une référence dans la prise en charge de certains cancers métastatiques tels que le mélanome et le cancer du poumon. L’approbation du premier ICP dirigé contre le CTLA-4, Ipilimumab, a suscité un nouvel espoir pour les patients atteints d’un mélanome à un stade avancé. Avec un taux de survie globale à 5 ans de 65,4 % comparativement au groupe contrôle (54,4 %), l’Ipilimumab a représenté une avancée majeure dans le traitement du mélanome métastatique. Les inhibiteurs de PD-1 (Opdivo et Keytruda) ont également élargi cet arsenal thérapeutique notamment dans le mélanome, mais aussi dans les cancers du poumon non à petites cellules et le carcinome rénal. Ces deux premières familles d’ICP ont donc montré une efficacité dans de multiples types de cancers avancés avec des taux de réponses d’environ 19 % pour les anti-CTLA-4 et 45 % pour les anti-PD-1. Ces taux de réponses encourageants ont soulevé des questions autour des possibilités de développement de mécanismes de résistance à ces thérapeutiques. Ainsi, de nombreux essais cliniques testent actuellement l’efficacité d’autres ICP tels LAG-3 et TIM-3, mais aussi celle de combinaisons thérapeutiques. Cependant, de nombreuses limites entravent ces développements, notamment des effets indésirables de grade III – IV, mais également l’absence de biomarqueur prédictif. De nouvelles stratégies doivent donc être développées afin de définir plus précisement les patients à même de bénéficier de ces traitements.

Les Immunothérapies ont-elles un impact chez les sujets âgés et les patients au Performans Status altéré ?

Le cancer est une pathologie touchant majoritairement la population âgée de plus de 65 ans. Cette population souffre d’un phénomène appelé immunosénescence caractérisée par une inflammation chronique basale (appelée « inflammaging »), une diminution des capacités de présentation antigénique par les cellules dendritiques, un épuisement des lymphocytes T ainsi qu’une augmentation des populations immunorégulatrices, les lymphocytes T régulateurs (LTreg) et les cellules myéloïdes suppressives (Myeloïd-Derived Suppressor Cells, MDSC). Ces dernières années ont vu l’émergence de nouvelles thérapies anti-cancéreuses ciblant le système immunitaire, en particulier les inhibiteurs de points de contrôle immunitaire (ICI). Aujourd’hui, les ICI ont des AMM dans les mélanomes, les cancers bronchiques non à petites cellules (CBNPC), les cancers du rein, les carcinomes épidermoïdes de la tête et du cou, les lymphomes de Hodgkin, les tumeurs à cellules de Merkel et d’autres sont à venir. Ces AMM ne sont pas restreintes sur l’âge, certaines le sont sur le Performans Status (PS). Nous ne disposons pas actuellement de résultats d’essais prospectifs dédiés aux sujets âgés ou aux patients avec PS altéré, bien que ces deux populations particulières représentent une forte proportion des cancers. Les données du sous-groupe « sujets âgés » de plusieurs essais de phase III sont ici analysées. L’efficacité et la tolérance semblent comparables aux « sujets jeunes ». Les patients au PS altéré n’ont pas été inclus dans ces études. Les données sont très préliminaires. Néanmoins, de véritables syndromes de Lazare ont été décrits sous ICI chez des patients très altérés présentant un CBNPC avec forte expression de PDL1.

Lymphome de Hodgkin réfractaire et multi-traité : un nouveau scénario grâce à l’immunothérapie !

Le lymphome de Hodgkin (LH) classique est une hémopathie maligne curable dans 80 % des formes avancées et 90 % des formes localisées. Cependant, jusqu’à ces dernières années, certaines situations cliniques restaient dépourvues de stratégies thérapeutiques efficaces. Ces situations correspondent aux patients réfractaires en première ligne, aux rechutes post-autogreffe/post-allogreffe et aux patients multi-rechuteurs non éligibles à une greffe. Alors que la survie de ces patients restait limitée à court terme, de nouvelles drogues (brentuximab vedotin (Bv), inhibiteur anti-PD-1), ont enrichi l’arsenal thérapeutique en proposant des solutions dont le rapport bénéfice/risque est favorable, et ont ainsi permis de redéfinir l’histoire clinique de ces patients. Le cas clinique rapporté ici est celui d’un patient présentant un LH classique réfractaire en première ligne mis en réponse grâce au Bv (en 3ème ligne) puis autogreffé. Il a rechuté par la suite en post-greffe en obtenant une réponse métabolique complète sous anti-PD-1 en monothérapie, optimisée dans un second temps par l’adjonction de Bv. Dans le LH, l’immunothérapie (anti-PD-1) apporte des solutions thérapeutiques efficaces, mais la place précise en monothérapie ou en combinaison reste à définir précisément. Dans cet objectif, de nombreux essais cliniques sont pour cela en cours dans le monde, en définissant de nouvelles perspectives basées sur les anti-PD-1 (Tableau 1). Parmi ces perspectives, la combinaison d’un traitement ciblant la cellule tumorale (ex : Bv) à celui ciblant le micro-environnement tumoral (ex : anti-PD-1) semble très prometteuse.

Maintien de la réponse après la fin du traitement par pembrolizumab chez les patients atteints de mélanome métastatique : données à long terme de l’étude KEYNOTE-006.

L’avènement des immunothérapies en oncologie a permis de révolutionner la prise en charge de nombreux cancers, et particulièrement celle du mélanome.Le pembrolizumab est un anticorps anti-PD1, ayant démontré une supériorité par rapport à l’ipilimumab en termes de survie globale, de survie sans progression et de taux de réponse, chez les patients atteints de mélanome de stade avancé dans l’étude de phase III KEYNOTE-006. Malgré une exposition plus longue à la molécule, les effets indésirables de grades 3 à 5 ont été moins importants dans cette étude avec le pembrolizumab qu’avec l’ipilimumab. Les objectifs de cette analyse étaient d’actualiser les résultats à long terme, avec un recul médian de 33,9 mois, et de révéler pour la première fois l’évolution des patients ayant achevé les deux années de traitement par pembrolizumab prévues au protocole.

Instabilité microsatellitaire et réponse aux immunothérapies : association nivolumab + ipilimumab chez les patients atteints de cancer du côlon métastatique dMMR/MSI-H

Chez 5 % des patients atteints de cancer colorectal métastatique (CCRm), les cellules tumorales présentent une instabilité microsatellitaire élevée (MSI-H) liée au dysfonctionnement du système du mismatch repair MMR (appelées dMMR/MSI-H). Ces tumeurs, associées à une charge mutationnelle élevée, répondent peu aux chimiothérapies conventionnelles, notamment lorsqu’il existe également une mutation tumorale de , et semblent particulièrement sensibles aux immunothérapies . L’étude Checkmate 142 est une étude multi-cohorte de phase II, évaluant l’efficacité et la tolérance de la monothérapie par nivolumab (anti-PD-1) et de l’association nivolumab + ipilimumab (anti-CTLA-4) chez les patients dMMR/MSI-H atteints de CCRm ayant échappé à une ou plusieurs lignes de chimiothérapie. Les résultats préliminaires de la cohorte nivolumab en monothérapie ont été présentés au congrès de l’ASCO-GI 2017 et révèlent un taux de réponse tumorale de 31 %, et 68 % de taux de contrôle tumoral après 12 semaines. L’association nivolumab + ipilimumab a déjà fait preuve d’efficacité, avec un profil de toxicité acceptable, dans plusieurs autres types de cancers. Les résultats présentés ici portent sur les patients de la cohorte ayant reçu la première dose de l’association nivolumab + ipilimumab (n = 84) au moins 6 mois avant la date de point (janvier 2017).

ZUMA-1 : la suite…

Contexte
Les traitements par CAR (chimeric antigen receptor) T-cells ciblant le CD19 ont montré des résultats prometteurs dans les lymphomes non hodgkiniens en rechute/réfractaires (LNH R/R). Les résultats de l’essai ZUMA-1 ont été présentés à l’ICML (International Conference on Malignant Lymphoma) et au congrès de l’EHA (European Hematology Association).

Méthodologie
Les patients inclus présentaient un lymphome B diffus à grandes cellules, lymphome folliculaire transformé ou primitif du médiastin en rechute ou réfractaire à la chimiothérapie (absence de réponse à la dernière chimiothérapie ou rechute ^ 12 mois après autogreffe), et un performance status de 0-1. Après conditionnement par cyclophosphamide et fludarabine, les patients recevaient 2 x106 CAR T-cells anti-CD19 « Axicel»/kg. Le critère de jugement principal était le taux de réponse objective (ORR).

Résultats
111 patients ont été inclus (77 % réfractaires à un traitement 6 2e ligne, 21 % de rechutes après autogreffe). L’âge médian était de 58 ans, et le suivi médian de 8,7 mois. Les CARs ont été générés chez 110/111 patients avec un délai moyen aphérèse-réinjection de 17 jours. L’ORR en ITT (101 patients) était de 82 % (RP : 28 %, RC : 54 %). La durée médiane de réponse était de 8,2 mois, et non atteinte pour les patients en RC. Les principaux effets indésirables de grade 6 3 étaient : neutropénie (66 %), neutropénie fébrile (31 %), encéphalopathie (21 %, 1 cas de troubles mnésiques séquellaires), et syndrome de relargage cytokinique (13 %, 2 décès).

Conclusion
Axi-cel améliore significativement l’ORR dans les LNH en R/R chez les patients en bon état général, encourageant la réalisation d’essais de phase III.