Éditorial Volume 1 – Numéro 3

Toute l’immunothérapie que j’aime…

 

Elle est ici dans ce numéro de la Revue Immunité & Cancer.

 

En effet, ce numéro nous offre d’abord une synthèse sur l’effet additif (ou peut être la synergie ?) entre la radiothérapie et les inhibiteurs de check- points du système immunitaire (ICI), avec comme premier exemple l’étude PACIFIC dans les cancers bronchiques non à petites cellules de stade III traités par radio-chimiothérapie, puis PD-L1 en maintenance (et une médiane de survie sans progression améliorée de 11,2 mois quand même). Mais ce n’est pas tout. Les combinaisons d’ICI entre eux sont une voie possible pour contourner les résistances aux monothérapies. Si les résultats dans le mélanome ont été précurseurs, ceux dans le cancer du rein ajoutent maintenant des arguments supplémentaires avec un possible changement de standard en 1re ligne métastatique.

 

Pour autant, la Revue Immunité & Cancer n’est pas seulement une synthèse des essais randomisés rapportés récemment.

Stéphane Champiat nous interroge sur le risque de progression accéléré sous ICI (une fréquence pas si anecdotique ? des mécanismes quasi-inconnus ? des facteurs de risques qui restent majoritairement à découvrir…), tandis qu’Olivier Lambotte nous initie à la cardio-oncologie (ou onco-cardiologie) au travers d’un exemple, rare, mais dont la connaissance est indispensable, de toxicité myocardique des ICI.

 

Enfin, à l’heure de la génomique pour tous, l’immunothérapie nous rappelle l’importance de l’interaction de la tumeur avec son environnement et souligne, au travers ici de l’analyse des lymphocytes infiltrant la tumeur, le rôle des pathologistes, au-delà de l’expression de PD-L1, dans le développement de nouveaux biomarqueurs.

 

La Revue Immunité & Cancer vous promet donc une passionnante lecture, peut-être pas toute la nuit, mais au moins quelques heures.

 

Pr Fabrice BARLESI

Membre du Comité Scientifique de LA REVUE Immunité & Cancer

Radiothérapie et immunothérapie : nouvelle ligne contre le cancer ?

Les rayonnements ionisants exercent un effet anti-tumoral direct via les lésions induites au niveau de l’ADN cellulaire mais également indirect via l’action sur le système immunitaire. Ainsi, la radiothérapie est capable d’augmenter l’immunogénicité et l’antigénicité des cellules tumorales à travers différents mécanismes, aboutissant à l’amplification de la réponse immunitaire anti-tumorale spécifique. Néanmoins, la radiothérapie peut également avoir des effets immunosuppresseurs. L’efficacité de la réponse immunitaire anti-tumorale radio-induite dépend donc de la balance entre les effets immunostimulateurs et immunosuppresseurs, qui souvent ne suffit pas à maintenir une réponse systémique optimale. Ces données plaident en faveur de la combinaison des traitements pour surmonter les mécanismes immunosuppresseurs. Différentes modalités de combinaison de la radiothérapie à l’immunothérapie ont prouvé leur efficacité dans des modèles animaux et cliniques, en particulier les inhibiteurs des immune checkpoints qui sont en train de révolutionner la prise en charge des patients atteints d’un cancer. Toutefois, de nombreuses variables doivent être prises en compte pour aboutir à une combinaison optimale, notamment le fractionnement, la séquence de traitement et la prise en charge des toxicités.

Hyperprogression sous immunothérapie

Les immunothérapies anti-PD1 ou anti-PD-L1 ont montré un bénéfice dans de nombreux cancers. Cependant, un sous-groupe de patients présenterait une accélération de la maladie cancéreuse sous traitement. Ce phénomène appelé hyperprogression a été décrit pour la première fois en 2016. Cet article permet de faire le point sur les différentes études qui ont analysé ce phénomène, de discuter des hypothèses physiopathologiques ainsi que des challenges cliniques et scientifiques à venir.

Complications cardiaques des immunothérapies : à propos d’un cas de myocardite aiguë suivie de myosite compliquant un traitement par une combinaison d’anticorps anti-PD-L1 et d’agoniste OX40

Les immunothérapies sont des traitements novateurs révolutionnant le pronostic de certains cancers métastatiques, mais causant des effets indésirables dysimmunitaires fréquents parfois graves. Nous décrivons ici un cas de myocardite auto-immune aiguë survenue 5 semaines après l’injection d’anti-PD-L1 et d’agoniste OX40, et 3 semaines après une 2e injection d’anti-PD-L1 pour un cancer rénal droit d’emblée métastatique chez une patiente de 50 ans avec des antécédents de lupus gestationnel et de thyroïdite d’Hashimoto. Elle a présenté des céphalées fébriles avec douleurs neuropathiques suivies d’une dyspnée fébrile avec oxygénorequérance modérée. Les enzymes cardiaques sont initialement normales. L’électrocardiogramme, 2 scanners thoraco-abdomino-pelviens et un bilan microbiologique large ne retrouvent pas de cause à cette dyspnée fébrile. Finalement, 46 jours après la 1re injection d’immunothérapie, la troponine ultrasensible, le NTproBNP et les CPK, augmentent accompagnés d’une modification de l’électrocardiogramme. L’échocardiographie révèle une fraction d’éjection du ventricule gauche à 45 %. L’évolution est favorable après 3 bolus de methylprednisolone suivis d’une corticothérapie orale. L’IRM cardiaque confirme le diagnostic de myocardite localisée devant un réhaussement tardif apical focal. Cependant, lors de la décroissance progressive des corticoïdes, apparaît un tableau de myosite nécessitant la majoration de la corticothérapie et l’introduction de méthotrexate avec une bonne efficacité. L’immunothérapie est contre-indiquée à vie chez cette patiente.
Ce cas de myocardite illustre le fait que les antécédents d’auto-immunité et la combinaison d’immunothérapies sont des facteurs de risque importants de complications auto-immunes graves des immunothérapies. La myocardite auto-immune fait partie des effets indésirables rares (47 cas décrits dans la littérature) mais graves qu’il faut savoir diagnostiquer et traiter rapidement. La répétition des examens à visée cardiaque est donc nécessaire devant une situation de dyspnée sans étiologie claire sous immunothérapie.

Effets de l’association nivolumab + ipilimumab en 1ère ligne des patients atteints de carcinome à cellules rénales métastatique (CCRm) : étude CheckMate 214

Le nivolumab est un inhibiteur de PD-1 déjà approuvé chez des patients atteints de RCC avancé précédemment traités par antiangiogéniques. L’association nivolumab + ipilimumab (anticorps anti-CTLA-4) (N+I) a déjà montré un profil de toxicité gérable et une activité antitumorale élevée chez des patients atteints de RCC avancé, quelle que soit la ligne thérapeutique, dans l’étude de phase Ib CheckMate 016 (taux de réponse global de 40 %, 42 % de réponses en cours, survie sans progression médiane de 7,7 mois et un taux de survie global à 2 ans de 67 %. Les résultats de l’étude Check-Mate 214 évaluant l’association N + I comparée au Sunitinib (S) seul en 1re ligne de traitement chez les patients atteints de RCCm sont présentés.

Les lymphocytes infiltrant la tumeur (TILs) : des biomarqueurs de la réponse au pembrolizumab chez les patients atteints de cancer du sein métastatique triple négatif (TNBCm) ?

Des lymphocytes infiltrant la tumeur (TILs) sont observés dans les TNBC, et interviennent dans l’immunité antitumorale de l’hôte. Ils pourraient ainsi être utilisés en tant que biomarqueurs de la réponse aux inhibiteurs de checkpoints immunitaires. Les auteurs ont évalué la densité de TILs en fonction de la réponse au pembrolizumab (IgG anti-PD-1) en monothérapie dans les cohortes A (patients précédemment traités, quelle que soit l’expression de PD-L1) et B (1re ligne de traitement, avec expression de PD-L1) de l’étude de phase II Keynote-086.

PACIFIC : analyse intermédiaire, données de PFS

Contexte
Le pronostic des cancers du poumon non à petites cellules (CBNPC) localement avancé (stade III) non accessibles à la chirurgie est mauvais. Le traitement standard actuel repose sur une radio-chimiothérapie (RT-CT). Le Durvalumab, anticorps anti-PD1, a montré des résultats encourageants en phase précoce. Les résultats d’analyse intermédiaire de l’étude PACIFIC ont été présentés à l’ESMO (European Society for Medical Oncoly) en 2017 puis publiés dans le NEJM (New England Journal of Medicine) (novembre 2017).

Méthodologie
Etude de phase III, en double aveugle internationale multicentrique contre placebo. Randomisation de (2 : 1) de 713 patients en bon état général, atteints d’un CBNPC localement avancé non opérable, non évolutifs ou en réponse objective après une RT-CT concomitante 473 dans le bras durvalumab administré tous les 15 jours, à 10mg/kg pendant 12 mois et 236 dans le bras placebo. Le critère principal de jugement était mixte, avec revue centralisée : survie sans progression (PFS, analyse intermédiaire planifiée) et survie globale (OS).

Résultats
La SSP médiane était de 16,8 mois (95 % IC 13,0 – 18,1) dans le groupe durvalumab versus 5,6 mois (95 % 4,5 – 7,8) dans le groupe placebo, soit un risque relatif de 0,52 (IC 95% : 0,42-0,65) p < 0,0001. Le profil de toxicité était comparable à celui connu des immunothérapies, sans élément nouveau majeur. Conclusion
Amélioration significative de la PFS en faveur du durvalumab avec diminution du risque de progression de 48 %, dans cette indication sur la base de ces données d’analyse intermédiaire, sans sur-risque toxique. Attente des résultats d’OS.