Editorial Volume 2 – Numéro 1

Chers Collègues, Chères Lectrices, Chers Lecteurs,

Après une longue traversée du désert et la répétition de commentaires narquois, voire méprisants, formulés par les oncologues « sérieux », l’immuno-oncologie prend progressivement place parmi les traitements des cancers. Elle est aujourd’hui au centre des intérêts des cliniciens, des patients et de l’industrie pharmaceutique. L’attention qu’elle suscite, les espoirs qu’elle entretient et les finances qui y sont investies risquent de rendre euphoriques les acteurs du champ qui, par trop d’enthousiasme et de précipitation, peuvent participer à fragiliser et retarder le formidable pas en avant qu’elle représente.

Les enjeux de l’immunothérapie sont immenses : traiter, voire guérir des cancers à un stade avancé en stimulant les défenses immunitaires des patients ou en leur apportant les défenses immunologiques (anticorps, cellules) qui leur manquent. L’objectif ultime de l’immunothérapie est donc, non seulement d’aider à la réduction de la tumeur primitive ou métastatique, mais bien d’induire une réponse immunitaire anti-tumorale mémoire qui permettra le contrôle à long terme de la maladie et donc sa guérison potentielle, au moins sur le plan clinique.

Pour y parvenir, les immunothérapeutes disposent d’outils différents et complémentaires : vaccinations vis à vis d’antigènes tumoraux, injection d’anticorps ou de lymphocytes T (« CAR » T ou lymphocytes infiltrant la tumeur, (TIL) virus oncolytiques, anticorps anti-« check point » pour activer les lymphocytes T (PD-1, Lag3, TIM3, CD137, OX40, GITR..) anticorps neutralisant les cellules et les molécules immunosuppressives (IDO1, CSF-1R, IL10..). Ces outils ont été développés sur la base d’intenses recherches fondamentales sur le système immunitaire et de multiples modèles précliniques. Ils peuvent être combinés aux thérapeutiques classiques comme la chimiothérapie, la radiothérapie et/ou des thérapies ciblées dont des travaux récents soulignent les capacités immunomodulatrices. Cet arsenal ouvre des possibilités fascinantes et permet d’envisager des traitements efficaces pour les cancers les plus agressifs, comme le démontrent les succès de la prise en charge thérapeutique du mélanome et des cancers pulmonaires. Ils sont efficaces dans les tumeurs solides et les tumeurs hématologiques (CAR-T dans les leucémies aiguës et les lymphomes, anti-PD-1 dans la maladie de Hodgkin). Les perspectives qu’ouvre son utilisation expliquent la précipitation à tester, combiner, avancer avec le risque que le trop plein d’essais cliniques ait l’effet paradoxal de retarder des avancées finales ou une approche rigoureuse fondée sur l’analyse physiopathologique des mécanismes ciblés.

La révolution immuno-oncologique dans le mélanome et au-delà

Alors que la survie globale à 5 ans des patients atteints d’un mélanome métastatique ne dépassait pas 10 % jusqu’à 2010 avec le traitement par dacarbazine, l’arrivée de l’immunothérapie avec les anti-CTLA4 (Yervoy®) en 2011, bien qu’induisant de fortes toxicités, a doublé la survie globale des patients la faisant passer désormais à 20 %. En parallèle, la découverte de la mutation BRAF chez près de 50 % des patients et l’arrivée dans un premier temps des monothérapies ciblant BRAF, puis des combinaisons ciblant BRAF puis MEK, ont conduit à une meilleure prise en charge du mélanome et une SG améliorée allant jusqu’à près de 50 % à 2 ans. Cependant, ces traitements ne donnent pas toujours de réponse durable et des phénomènes de résistances sont observés. Par la suite, les inhibiteurs du PD-1 ont été développés, et ont créé une révolution dans la prise en charge du mélanome métastatique, avec aujourd’hui des plateaux de survie globale importants et des réponses durables. La prise en charge du mélanome en adjuvant est également impactée après la présentation de récents résultats en immunothérapie et en thérapies ciblées BRAF / MEK montrant une augmentation de la survie chez les patients. Les anti-PD-1 sont devenus des acteurs majeurs et les enjeux aujourd’hui sont principalement le développement d’associations avec les anti-PD-1, la recherche de biomarqueurs de réponse et la durée optimale de traitement.

Immunothérapie dans le traitement du CBNPC : quels changements de paradigmes dans les stades précoces et localement avancés ?

Malgré un traitement multimodal agressif, associant radiothérapie, chimiothérapie et parfois chirurgie, le pronostic des cancers bronchiques non à petites cellules (CBNPC) de stades localement avancés reste sombre, avec une survie à 5 ans ne dépassant pas 25 %. Contrairement au CBNPC métastatique qui a bénéficié au cours des 15 dernières années de l’avènement des thérapies ciblées puis de l’immunothérapie anti-tumorale, aucune avancée thérapeutique significative n’avait été faite dans ce stade au cours de ces dernières décennies.

Cette revue a pour but : i) de regrouper les données précliniques en faveur d’une synergie d’action entre la radiothérapie et l’immunothérapie ; ii) de discuter les résultats de l’essai PACIFIC ayant évalué le durvalumab, un inhibiteur de PD-L1 en traitement de consolidation après radio-chimiothérapie dans le CBNPC de stade III ; iii) de rapporter les premières données cliniques en faveur de l’utilisation de l’immunothérapie en situation péri-opératoire (néo-adjuvant ou adjuvant) et discuter les perspectives dans ce contexte.

Inhibition des points de contrôle du système immunitaire et carcinome hépatocellulaire: des premiers résultats prometteurs

Le carcinome hépatocellulaire (CHC) est une tumeur de mauvais pronostic, se développant essentiellement sur foie cirrhotique, et dont l’incidence augmente. Dans sa forme avancée, le traitement de référence repose sur un inhibiteur des tyrosines kinases, le sorafenib, qui confère un bénéfice de survie de 3 mois. Le développement de nouvelles approches thérapeutiques est essentiel pour améliorer la survie des patients. Le microenvironnement hépatique et les caractéristiques tumorales du CHC sont des éléments en faveur du développement de stratégies d’immunothérapie ciblant les points de contrôle du système immunitaire. Un essai de phase 2 a été publié et les phases 3 sont en cours utilisant des anticorps dirigés contre le récepteur Programmed Cell Death 1 (PD-1) ou son ligand (PD-L1). Nous rapportons ici le cas d’une patiente de 40 ans présentant un CHC sur foie non cirrhotique traité par sorafenib puis par nivolumab (anticorps anti-PD-1) permettant une stabilité radiologique précoce. Avec un taux rapporté de réponse objective de l’ordre de 20 %, l’immunothérapie du CHC ouvre des perspectives thérapeutiques prometteuses.

Les CAR T-Cells dans le myélome : on démarre quand ?

Parmi les différentes hémopathies malignes, le myélome est probablement celle qui bénéficie le plus des innovations thérapeutiques ces dernières années avec, notamment, l’arrivée des nouveaux inhibiteurs du protéasome comme le carfilzomib ou l’ixazomib, d’immunomodulateur comme le pomalidomide et surtout des anticorps monoclonaux anti-CD38 avec le daratumumab et anti-SLAM7 avec l’elotuzumab. Bien que ces traitements aient des bénéfices certains dans la survie, cette maladie continue à rechuter et donc nécessite de nouveaux traitements. Au vu des résultats très intéressants des CAR T-cells dans d’autres hémopathies telles la leucémie aiguë lymphoblastique ou le lymphome B diffus avec les CAR T anti-CD19, qu’en est-il de leur utilisation à venir dans le myélome ? A partir des données des quelques études précliniques et cliniques actuellement disponibles, voici un état des lieux début 2018 de l’avancée de cette thérapeutique dans la prise en charge du myélome.

L’arrivée de l’immunothérapie en cancérologie digestive. Que retenir de l’ASCO GI 2018 ?

Les cancers digestifs sont enfin le sujet de publications importantes dans le domaine de l’immunothérapie. Chaque année, l’ASCO GI ouvre le ballet des différentes dates qui réunissent les spécialistes du monde entier ponctué successivement après ce congrès par l’ASCO en juin, le WORLD (devenu l’ESMO GI) puis le congrès de l’ESMO. Comme toute sélection, cet article ne vise pas l’exhaustivité mais essaie de dégager au sein de centaines de présentations, celles qui peuvent nous donner des signaux pour la prise en charge à venir de nos patients.

 

Etude des variations métaboliques intra-tumorales et de l’infiltration lymphocytaire au cours de l’immunothérapie par anticorps anti-PD1 et/ou anti-CTLA4 dans le cancer pulmonaire non à petites cellules

Contexte

La bourse Hervé Fridman m’accompagnera dans la réalisation d’un master 2 de recherche dans le domaine des biomarqueurs de réponse des cellules tumorales à l’immunothérapie.

Le cancer broncho-pulmonaire est la première cause de mortalité par cancer dans le monde. Des anticorps anti-PD1 ont été développés dans le traitement du cancer du poumon et des anticorps anti-CTLA4 sont en cours d’évaluation. Ils agissent par amplification de la réponse immunitaire anti-tumorale intrinsèque des patients. L’évaluation précoce de la réponse tumorale au cours de l’immunothérapie permettrait l’adaptation rapide du traitement et la réduction des toxicités et des coûts liés à l’utilisation de ces molécules.

Objectifs

L’objectif principal de cette étude est de décrire, dans un modèle murin de CBNPC, l’évolution de la captation du glucose au cours d’un traitement par anticorps anti-PD1, anti-CTLA4 ou anti-PD1 + anti-CTLA4. L’objectif secondaire est de décrire la cinétique d’apparition dans la tumeur des lymphocytes T et NK au cours d’un traitement par anticorps anti-PD1, anti-CTLA4 ou anti-PD1 + anti-CTLA4.

Méthodes

Un marqueur métabolique et deux marqueurs lymphocytaires fluorescents seront utilisés : 18F-Désoxy-Glucose (FDG), anticorps anti-CD3 (lymphocytes T) et anticorps anti-CD335 (lymphocytes NK). Le modèle murin repose sur l’injection sous-cutanée de 10^5 cellules KLN-205 chez la souris DBA/2, immunocompétente. Les souris seront traitées par anticorps anti-PD1 et/ou anti-CTLA4 à J28, J32 et J36. Les imageries seront réalisées à J28, J31, J35 et J39, par autoradiographie et imagerie en fluorescence à l’aide de l’imageur optique In Vivo X-Treme.