Editorial Volume 2 – Numéro 2

L’immuno-oncologie est une discipline qui s’appuie sur des éléments complexes et interactifs comme le système immunitaire et la cellule cancéreuse et bénéficie d’avancées technologiques qui ne cessent d’évoluer. L’élément initial de la transformation d’une cellule normale en cellule potentiellement cancéreuse est l’acquisition d’une perte de contrôle des mécanismes de prolifération et de mort cellulaire. Ces modifications résultent de mutations somatiques et remaniements dans les gènes contrôlant la prolifération et la survie cellulaire (oncogènes et gènes suppresseurs de tumeurs). Les virus occupent une place importante parmi les éléments à l’origine de la transformation maligne. À ce jour, 7 virus oncogènes ont été identifiés. Ils sont responsables d’environ 1,4 million de cancers à travers le monde. Notre dossier thématique fait le point sur les mécanismes oncogéniques viraux liés au virus d’Epstein Barr et au virus de type Herpès comme le virus du papillome humain. Ces virus sont de puissants immunogènes qui déclenchent des réactions immunitaires anti-virales auxquelles ils tentent d’échapper. Ils provoquent aussi une immunodépression qui favorise l’émergence de cancers. Ces différentes questions sont abordées dans ce riche dossier.

Depuis sa lancée dans les années 1980 grâce à la technique de « phage display » développée notamment à Cambridge dans le laboratoire de Greg Winter, l’ingénierie des anticorps connaît depuis une décennie une phase d’essor sans précédent, grâce aux « CAR-T cells » qui utilisent des « scFv », fragments codants les régions variables des anticorps exprimés sous forme de protéines de fusion à la surface des lymphocytes T et grâce aux anticorps bispécifiques qui montrent d’excellents résultats dans des modèles précliniques. Notre article « mise au point » retrace l’historique de ces fragments d’anticorps et illustre leur très grand potentiel thérapeutique.

Enfin, vous trouverez dans l’un des articles brefs le résumé d’une communication que nous avons rapportée de l’ASCO GU sur l’étude KEYOTE-045 où le pembroluzimab confirme après deux ans de suivi l’amélioration globale de la survie par rapport à la chimiothérapie dans les cancers urothéliaux. Dans le second article bref nous avons choisi de faire le point des résultats fascinants de trois équipes, celles de Jennifer Wargo, de Laurence Zitvogel et de Thomas Gajewski, présentés cette année aux congrès annuels de l’AACR et à l’ASCO sur le microbiote intestinal et la réponse aux inhibiteurs de point de contrôle immunitaire, PD-1 et CTLA4.

Dans chaque numéro, nous partageons avec vous des informations scientifiques et des synthèses s’appuyant sur les experts nationaux et internationaux du domaine ainsi que des cas cliniques présentant les questions que vous rencontrez au quotidien. Notre mission est de fournir les outils qui vous permettront de continuer à vous former dans cette discipline et de rester en alerte sur l’actualité en s’appuyant sur les technologies de communication les plus actuelles. C’est pourquoi nous avons ouvert un site internet qui vous permettra de retrouver l’ensemble du contenu des numéros de La Revue, les éditoriaux, mises au point, articles brefs, rubriques « l’oeil de l’interne », que vous pouvez télécharger et partager avec vos collègues. Des mots clefs accompagnent ces différents contenus, qui vous permettront en un seul clic de réunir tous les articles portant sur votre thème favori. Toujours dans un souci d’être une revue d’enseignement et d’information, le comité de rédaction met à votre disposition un diaporama retraçant les illustrations des auteurs afin d’étayer vos cours et conférences. La rubrique « Actus Congrès » vous permet de retrouver les temps forts de l’actualité en immuno-oncologie. Vous pouvez dès à présent vous abonner sur le site de la revue : www.immunite-cancer.fr.

Un grand merci à ceux qui ont participé à la rédaction et à la réalisation de ce numéro, bon été à tous et rendez-vous à la rentrée !

Fragments d’anticorps à usage thérapeutique : petits mais efficaces…

Depuis leur découverte en 1975, le développement des anticorps monoclonaux à usage thérapeutique a conduit à l’émergence d’un champ désormais mature d’une nouvelle classe de molécules utilisées dans de très nombreux domaines thérapeutiques. Plus de 70 anticorps monoclonaux ont dorénavant des autorisa­tions de mise sur le marché dans de nombreux pays, en particulier en Europe et aux États-Unis. À une première génération d’anticorps obtenus au cours des années 80-90 grâce aux efforts conjoints de cher­cheurs du monde académique et des firmes de biotechnologie pionnières dans le domaine, a succédé une seconde génération de nouveaux formats ayant pour objectifs de résoudre différents problèmes rencontrés avec cette première génération, notamment dans le domaine de l’oncologie: anticorps conjugués à des drogues, anticorps conjugués à des radionucléides, anticorps bispécifiques… Bien que les efforts de recher­che pour la mise au point de cette seconde génération aient en fait débuté très précocement dans l’histoire des anticorps monoclonaux, il a fallu attendre ces dix dernières années pour que ces nouveaux formats démontrent tout leur intérêt à être utilisés en clinique. Une partie désormais non négligeable de ces nou­veaux formats repose sur l’utilisation de fragments d’anticorps plutôt que d’anticorps entiers. Cet article présente donc une petite histoire de ces fragments, de leur ingénierie et de leur utilisation actuelle.

Virus et cancer

Le caractère oncogène de certains virus humains a été découvert dans le milieu du XXe siècle avec, notamment, la découverte du rôle du virus Epstein Barr dans les lymphomes de Burkitt. Depuis cette époque, la recherche scientifique s’est intéressée à ce lien de causalité entre infection virale et cancer et a permis de décrire de nombreux mécanismes directs ou indirects portés par le virus, et à l’origine de la transformation cellulaire. Il est clair en particulier que l’interaction entre le virus et le système immunitaire joue un rôle dans l’émergence tumorale. L’identification de l’agent viral comme cause du cancer a notamment permis l’avènement des premiers vaccins contre le cancer : le vaccin prophylactique anti-hépatite B pour la prévention du carcinome du foie et le vaccin anti-HPV contre le cancer du col de l’utérus entre autres. L’intérêt de comprendre et maîtriser ces mécanismes oncogéniques viraux se trouve également dans la découverte potentielle de nou­velles cibles thérapeutiques et de nouveaux marqueurs biologiques prédictifs et pronostiques liés au virus. À ce jour, 7 virus ont été identifiés comme agents carcinogènes et responsables d’environ 1,4 million de cancers à travers le monde. La revue que nous vous présentons se concentre essentiellement sur la description de deux grandes familles de virus oncogènes : les Papillomavirus humains et les Herpès virus.

Nivolumab dans le cancer du rein métastatique de mauvais pronostic

L’arsenal thérapeutique a considérablement évolué ces 10 dernières années dans le cancer du rein à cellules claires [ccRCC) métastatique. Après un quasi-monopole des inhibiteurs de tyrosine kinase ciblant le VEGF-R [TKI), le nivolumab, anticorps monoclonal inhibant un point de contrôle immunologique [ICI) a fait son ap­parition comme option thérapeutique dans le ccRCC métastatique après échec d’un TKI anti-VEGF-R. Le nivolumab restaure l’immunité anti-tumorale naturelle en ciblant l’interaction entre le récepteur inhibiteur Program Death-1 [PD-1I exprimé principalement par les lymphocytes T, et son ligand [PD-L 11 exprimé par les cellules tumorales. Nous rapportons ici le cas d’un patient ayant plusieurs facteurs de mauvais pronostic [composante sarcomatoïde, groupe de mauvais pronostic IMDC, réponse TKI antérieur= 6 mois) répondant profondément [- 80 %) et longtemps [> 14 mois) au nivolumab après échec de sunitinib. Nous discutons ensuite des différents profils de patients potentiellement bon répondeurs aux ICI.

Nouveaux axes de traitement en onco-urologie : analyse de travaux présentés à l’ASCO GU 2018 concernant les tumeurs urothéliales

La prise en charge des tumeurs de la vessie répond aux recommandations actuelles des sociétés savantes. De nouveaux traitements sont en cours d’évaluation et pourraient changer les pratiques dans un futur proche. Les immunothérapies font notamment l’objet de nombreux protocoles, avec des résultats prometteurs dans les cas de cancers métastatiques. Le pembrolizumab est aujourd’hui un traitement qui a été approuvé en seconde ligne métastatique aux USA et en Europe (l’AMSR est en attente en France). Lors de l’ASCO GU, les résultats actualisés de l’étude KEYNOTE-045 ont évalué le pembrolizumab dans cette indication. Environ 20 % des patients sont potentiellement répondeurs aux immunothérapies, c’est la raison pour laquelle de nombreux biomarqueurs prédictifs d’efficacité sont en cours d’évaluation. Ainsi les études ancillaires de l’essai IMVigor211 se sont intéressées aux biomarqueurs potentiels pour l’atezolizumab. Enfin, plusieurs protocoles visant à préserver le réservoir vésical pour les tumeurs infiltrantes sont en cours de recrutement, notamment le protocole RTOG-0712 qui évalue deux modalités de radio-chimiothérapie (RCT).

Le microbiote intestinal module l’efficacité des anti-PD-1

Notre intestin est colonisé par 2 kg de micro-organismes (des bactéries en grande partie) dont l’ensemble du matériel génétique correspond à 150 génomes humains. Deux espèces majeures sont présentes, les Bacteroidites et le Firmicutes. Notre organisme a développé un équilibre avec ces bactéries. Cependant, la dérégulation des interactions microbiote-hôte est associée à diverses maladies, telles que les maladies inflammatoires de l’intestin, le cancer colorectal ou le diabète. De plus il a été montré que les bactéries modulent l’efficacité antitumorale de diverses chimiothérapies et agents immunothérapeutiques. Récemment, des progrès importants ont été faits sur les liens entre le microbiote intestinal et la réponse aux inhibiteurs de check-points immunitaires. Les résultats de trois équipes ont été présentés cette année à l’AACR : celles de Jennifer Wargo (MD An-derson, Houston) , de Laurence Zitvogel (IGR, Villejuif) et de Thomas Gajewski (Université de Chicago). Tous démontrent que les patients peuvent être stratifiés en répondeurs et en non-répondeurs aux inhibiteurs de « check point immunitaire » sur la base de la composition de leurs bactéries commensales intestinales.

Immunothérapies et tumeurs du sein triple négatives : des perspectives encourageantes Résultats de l’Etude GeparNUEVO et synthèse des essais en cours

Contexte

À ce jour, aucun agent ciblé n’est disponible dans l ‘arsenal thérapeutique des cancers du sein triples négatifs [CSTN] et la chimiothérapie cytotoxique est la seule option de traitement. Les CSTN ont souvent une grande quantité de lymphocytes infiltrant la tumeur [Tumor lnfiltrating Lymphocytes – TILsl. Stimuler les cellules immunitaires de CSTN pourrait permettre d’augmenter la réponse complète pathologique [pCRl, et d’amé­liorer le pronostic de ces patientes. L’ajout d’un inhibiteur de check-point immunitaire en plus de la chi­miothérapie pourrait être une option intéressante.

Méthodologie

Étude de phase II, randomisant 174 patientes porteuses d’un CSTN éligibles à un traitement néo-adjuvant, entre un bras immunothérapie ou placebo ; les deux bras recevaient en séquentiel le Durvalumab ou placebo seuls poursuivis ensuite pour chaque séquence du traitement [séquence de monothérapie initialement fa­cultative jusqu’à amendement, l’instituant pour tous les patients], puis adjonction de mab-paclitaxel dans chaque bras puis une bi-chimiothérapie [épirubicine  –  cyclophosphamidel. L’objectif  principal  était  le  qCR [= ypT0 ypN0].

Résultats

Le pCR était plus  élevé  dans  le  groupe immunothérapie [53 % vs  44 %, p = 0,287, p = 0,182 ajusté].  Le taux  de pCR était  significativement plus  élevé  dans les  sous-groupes  suivants  préplanifiés  : patientes  bénéficiant du Durvalumab en monothérapie [61,0 % vs 41,4 %]. patientes porteuses d’un stade6 lla [55,4 % vs 38,6 %]. patientes < 40 ans [69,2 % vs 42,9 %]. L’ajout de Durvalumab a été bien toléré.

Conclusion

L’ajout de Durvalumab à une chimiothérapie cytotoxique à base d’anthracyclines en traitement néoadjuvant des CSTN augmente le qCR, et semble plus profitable pour le sous-groupe en ayant bénéficié en « induction ».