Editorial Volume 2 – Numéro 4

J’ai le plaisir de vous présenter ce dernier numéro de l’année de La Revue Immunité & Cancer, extrêmement riche d’informations importantes non seulement pour votre pratique, votre enseignement et vos recherches, mais aussi pour l’orientation professionnelle de ceux qui appartiennent à la « jeune génération ». Nous atteignons le but que nous nous étions fixé il y a deux ans lors de la création de La Revue Immunité & Cancer : qu’elle soit un outil de formation en immuno-oncologie et d’échanges sur les questions que vous vous posez au quotidien, y compris de savoir si et quand il vaut mieux faire un M2 ou une thèse (cf. Œil de l’interne de Vincent Alcazer) ! De plus ce numéro inaugure la 1re soumission spontanée d’un article, via notre site internet. J’espère que d’autres s’inspireront de ces démarches pour utiliser La Revue Immunité & Cancer comme vecteur d’information scientifique et de discussion, en soumettant des cas cliniques, des synthèses de mémoires ou de thèses sur des sujets d’actualité en immuno-oncologie, et des réflexions sur leur pratique.
Les résultats des essais cliniques majeurs rapportés de l’ESMO présentés dans le dossier thématique confirment la place de l’immunothérapie dans notre arsenal thérapeutique dès la 1re ligne de traitement. Ils montrent que les combinaisons d’immunothérapie de type PD-1/PD-L1 soit avec la chimiothérapie dans le cancer du sein ou du poumon, soit avec des thérapies ciblées comme dans le cancer du rein, deviennent de nouveaux standards.
Il n’aura pas échappé à ceux qui nous lisent régulièrement que notre revue vous tient au courant des nouveaux enregistrements (cf. page suivante). La Food and Drug Administration a enregistré récemment le TRUXIMA biosimilaire de Mabthera (anti-CD20). Le TRUXIMA avait obtenu l’AMM en février 2017 et le rituximab en 1998. Il aura fallu plus de 20 ans pour passer de l’anticorps au biosimilaire. Je pense que l’on peut parier que ce temps va être écourté pour les anti-checkpoints, faisant ainsi baisser les coûts de ces médicaments. En attendant, la bonne nouvelle est qu’il semble que les durées de traitement par anti-checkpoint puissent être écourtées (cf. Article bref de Marie-Léa Gauci et Aurélien Marabelle), reflétant probablement l’activation de la réponse anti-tumorale mémoire lors de la levée de l’inhibition des lymphocytes T.
Enfin si vous lisez le dernier numéro de Nature Rev Drug Discovery, vous apprendrez que :

• 2 250 essais cliniques évaluent les inhibiteurs du point de contrôle immunitaire PD-1/L1, soit une augmentation de 748 essais par rapport à l’année précédente ;
• 1 716 essais évaluent des schémas associant des points de contrôle immunitaires PD-1/L1 à d’autres traitements du cancer ;
• 240 cibles de médicaments sont en cours d’évaluation dans le paysage actuel, 75 cibles de plus par rapport à l’an dernier ;
• Il faut plus de 380 000 patients volontaires pour remplir tous les essais et le taux de recrutement des patients a fortement ralenti ces dernières années…
Il va falloir encore innover et rationnaliser les essais pour sortir de cette impasse.

J’espère que vous aurez autant de plaisir que moi à lire ce numéro : merci à tous les auteurs et reviewers pour leur implication.

Avec tous mes vœux pour 2019

Biomarqueurs de l’immunothérapie

Les immunothérapies basées sur l’utilisation d’inhibiteurs des points de contrôles immunitaires se sont révélées être une approche très prometteuse pour le traitement des patients atteints de différents cancers. Les immunomodulateurs les plus utilisés en clinique et validés par de nombreuses études sont les anticorps thérapeutiques anti-CTLA-4 (cytotoxic T-lymphocyte antigen 4) et ceux ciblant l’axe PD-1/PD-L1, comme les anti-PD-1 (programmed death-1) ou les anti-PD-L1 (programmed death-ligand 1). Ces traitements ont l’AMM dans plusieurs indications en cancérologie notamment pour les mélanomes, les carcinomes pulmonaires non à petites cellules, les carcinomes du rein, ORL et de la vessie, et les lymphomes de Hodgkin. Cependant, la proportion de patients répondeurs reste limitée, et dans le cancer du poumon la présence de biomarqueurs peut être requise pour la prescription de certaines molécules. L’identification de biomarqueurs prédictifs est ainsi devenue une priorité pour mieux cibler la prescription de ces molécules, car il s’agit de traitement coûteux avec des effets secondaires parfois sévères, sans compter les phénomènes d’hyper-progression décrits chez certains patients. Parmi les biomarqueurs les mieux décrits, il existe l’expression de PD-L1 par les cellules tumorales et/ou immunitaires, évaluée par immunohistochimie, mais aussi la charge mutation­nelle et la signature interféron. D’autres marqueurs sont liés à l’individu, comme les maladies chroniques inflammatoires (BPCO) et le microbiote. Cette revue résume les principaux biomarqueurs actuellement décrits et validés par des essais thérapeutiques. Ils peuvent être liés aux cellules tumorales, à l’environne­ment immunitaire ou à l’individu.

Impact du microbiote sur l’efficacité des immunothérapies

Le développement des immunothérapies a révolutionné la prise en charge des patients atteints de cancer. Après la mise sur le marché de l’ipilimumab, le premier anti-CTLA-4, une deuxième génération d’inhibiteurs de checkpoints a vu le jour avec les anti-PD-1 et anti-PD-L1. Ces anticorps monoclonaux permettent de restaurer la réponse lymphocytaire anti-cancéreuse jusqu’alors bloquée dans l’environnement tumoral par la liaison de PD-1 à son ligand PD-L1. Les recherches sur le microbiote intestinal se sont accélérées dans les dernières années permettant de prouver un lien avec l’immunité. Les bactéries commensales interagis­sent avec le système immunitaire intestinal et systémique en modulant les réponses immunitaires. La composition de la flore intestinale interagit avec la réponse immune naturelle contre le cancer et l’efficacité des inhibiteurs de checkpoints. La prise d’antibiotiques à large spectre causant une dysbiose réduit signifi­cativement la survie sans progression et la survie globale des patients sous immunothérapie. Des trans­plantations fécales de patients répondeurs à l’immunothérapie ont été effectuées sur des souris axéniques. Ces souris ont été sensibilisées au traitement ultérieur par inhibiteur de checkpoint. En recherche clinique, chez les non-répondeurs, l’alpha diversité du microbiote est plus faible que chez les répondeurs. Des sou­ches bactériennes considérées comme favorisant la bonne réponse aux anti-PD-1 ont été isolées. Les sou­ches les plus retrouvées dans la littérature sont Bifidobacterium et Akkermansia muciniphila. Des études restent à mener pour identifier de façon fiable les liens entre immunothérapies et bactéries commensales afin de proposer des applications thérapeutiques.

Immuno-oncologie clinique : Quoi de neuf en 2018 ? Résumé du congrès de l’ESMO 2018

Cet ESMO confirme la place de l’immunothérapie dans notre arsenal thérapeutique, non pas après la progression de ligne standard, mais dès la 1ère ligne ! Les associations d’anti-PD-1 ou anti-PD-L1 avec d’autres inhibiteurs des checkpoints immunologiques (ICI), à la chimiothérapie, ou les thérapies ciblées nous ont été présentées. Les combinaisons d’immunothérapie de type PD-1/PD-L1 avec la chimiothérapie deviennent de nouveaux standards dans le cancer du sein ou du poumon… mais aussi avec des thérapies ciblées comme dans le cancer du rein… Ce paysage se transpose au stade localisé pour différents modèles tumoraux.

Immunothérapie dans le carcinome hépatocellulaire

Le carcinome hépatocellulaire [CHC] est la première tumeur primitive du foie, c’est également le 6e cancer le plus fréquent au monde. Son incidence est en augmentation et son pronostic sombre avec 10-15 % de survie à 5 ans. Sa gravité tient aux caractéristiques de la tumeur elle-même et au terrain sur lequel elle se développe, la cirrhose, qui peut se compliquer d’hypertension portale et d’insuffisance hépatocellulaire. Les traitements à visée curative (radiofréquence, résection chirurgicale ou transplantation hépatique) sont ré­servés aux stades précoces de la maladie. En cas de CHC avancé, seul le sorafenib est validé en première ligne. À l’ère de l’immunothérapie et après échec de plusieurs inhibiteurs de tyrosine kinase, de nombreux essais étudiant des nouveaux traitements inhibiteurs des checkpoints immunitaires sont en cours, avec des résultats prometteurs. Nous rapportons le cas d’une patiente avec un CHC métastatique traité par nivolumab qui a présenté de nombreuses complications auto-immunes. Malgré la survenue d’une hépatite auto-im­mune, le nivolumab a pu être réintroduit sans récidive des symptômes hépatiques, permettant une réponse complète de la maladie.

Les cancers colorectaux métastatiques avec instabilité microsatellitaire : de bons candidats à l’utilisation des anti-PD-1 et anti-CTLA-4

Le phénotype MSI-H (Microsatellite Instability – High) est retrouvé dans environ 5 % des cancers colorectaux métastatiques et est associé à un moins bon pronostic à ce stade de la maladie, possiblement du fait d’un taux de mutation BRAF V600E plus important. Ce phénotype est lié à une déficience des systèmes de réparation des mésappariements de l’ADN (Mismatch Repair Deficiency, MMR-d) dans la correction des erreurs faites par les ADN polymérases lors de la réplication. Au niveau de l’ADN, ce phénotype est caractérisé par une instabilité dans la longueur de séquences répétées, appelées « microsatellites ». Un niveau élevé d’instabilité de ces marqueurs est associé à un fort taux de mutations pouvant générer un nombre important de néoantigènes. Ceux-ci peuvent induire une réponse immunitaire adaptative caractérisée par un infiltrat de lymphocytes T CD8 activés, exprimant notamment PD-1, qui est contrebalancée par l’expression de molécules de co-inhibition dont PD-L1 et CTLA-4.

Survie à long-terme des patients répondeurs aux immunothérapies anti-PD-1 / PD-L1 et évaluation de la réponse après l’arrêt du traitement

L’immunothérapie a révolutionné la prise en charge du cancer depuis 2010. Ceci a d’abord été rapporté pour la prise en charge du mélanome métastatique avec l’utilisation des anti-CTLA-4, mais très vite les anti-PD-1 ont montré leur supériorité en termes d’efficacité et de tolérance. Enfin, l’utilisation de l’immunothérapie, principalement les anti-PD-(L)1, a été étendue à de nombreux autres types de cancers. Malgré son efficacité, les taux de réponse varient en fonction des différents types de cancers traités. La particularité de l’immunothérapie repose sur l’induction de réponses tumorales prolongées aboutissant à l’allongement de la survie globale des patients traités, en comparaison aux thérapies conventionnelles. Ceci peut être expliqué par l’aspect polyclonal de la réponse immunitaire adaptative qui permet de mieux contrôler l’hétérogénéité de la maladie cancéreuse, mais aussi par l’acquisition d’une mémoire immunitaire responsable d’une réponse anti-tumorale efficace et durable. Également, les réponses semblent pouvoir perdurer malgré
l’arrêt du traitement. Certains paramètres restaient inconnus.

Le parcours recherche en médecine

Le parcours recherche en médecine vise à développer la formation scientifique des étudiants tout en leur ouvrant les portes du monde de la recherche plus fondamentale. La réalisation d’un parcours recherche se solde par la validation d’un Master 1 (M1), puis d’un Master 2 (M2) voire d’une thèse d’université, encore appelée thèse de science (PhD). Si certaines universités préparent bien à ce type de parcours, avec la mise en place de double cursus et d’une information conséquente, cela n’est pas le cas dans toutes les villes où les possibilités et les motivations pour un étudiant en médecine d’approcher le monde de la recherche peuvent paraître floues. Cet article propose un bref aperçu du parcours recherche/science en médecine en France, en exposant les options possibles pour chaque étape ainsi que les principales motivations.