Editorial Volume 4 – Numéro 3

Chers collègues,

La situation épidémiologique continue de se dégrader avec une importante accélération de l’épidémie de COVID-19 sur l’ensemble du territoire, entrainant un surcroit de travail pour beaucoup d’entre vous. Pendant ce temps, la recherche en immuno-oncologie continue d’avancer coûte que coûte, malgré les difficultés liées au confinement et qui entrainent entre autres le ralentissement des études précliniques et des inclusions des patients dans les essais thérapeutiques. Les congrès virtuels se multiplient, l’ASCO 2020, l’ESMO 2020 ainsi que la deuxième édition de CTI360 ont été virtuels et on sait déjà que l’AACR 2021 le sera également. Nous devons nous adapter à cette nouvelle forme de partage de l’information scientifique froide et impersonnelle, qui est diffusée à toutes les heures du jour ou de la nuit et de la semaine, si nous voulons rester « à jour » dans notre discipline.

Il est important aussi de garder ce trait d’union unique en immuno-oncologie qu’est celui de LA REVUE Immunité & Cancer ou nous tentons de faire le point sur les avancées récentes du domaine et d’explorer avec vous les nouveaux axes de recherche, les nouvelles pistes thérapeutiques qui seront les enjeux de demain. Vous y trouvez synthèses et analyses en profondeur qui ne peuvent se transmettre par de courtes vidéos mais qui nécessitent, de la part des rédacteurs un travail considérable en amont. Un grand merci à ceux qui acceptent de participer à cet effort collectif, mais vous êtes de plus en plus rares et il est de plus en plus difficile de vous trouver… C’est pourquoi je fais un appel à vous tous. N’hésitez pas à nous contacter et à pousser les plus jeunes de vos services à écrire. Votre expérience et vos réflexions sont précieux, continuez à en faire partager les lecteurs de LA REVUE Immunité & Cancer.

Les cellules lymphoïdes innées dans le cancer : les nouveaux acteurs de l’immunité antitumorale

Le microenvironnement tumoral est composé de multiples types cellulaires en plus des cellules cancéreuses. Les cellules de l’immunité innée et acquise qui sont présentes, sont mobilisées par les traitements utilisés pour combattre le cancer. Cette revue se focalise sur l’impact que les cellules lymphoïdes innées, dont les cellules NK font partie, ont dans les traitements communément utilisés ainsi que sur les stratégies thérapeutiques en cours de développement. Les cellules NK représentent la majorité des ILC et de nombreuses études ont identifié leur potentiel antitumoral. De nombreux traitements anticancéreux actuels augmentent l’activité des NK en induisant un changement d’expression des ligands activateurs/inhibiteurs à la surface des cellules cancéreuses. Enfin, de nouvelles stratégies thérapeutiques mobilisant ou utilisant les cellules NK dans la lutte contre le cancer chez l’Homme sont ici discutées avec l’objectif de fournir une vue d’ensemble des dernières avancées dans ce domaine.

Cellules d’origine myéloïde dans le cancer : de multiples acteurs de l’immunité antitumorale

Parmi toutes les cellules immunitaires, les cellules myéloïdes sont les cellules hématopoïétiques nucléées les plus abondantes dans le corps humain et sont des acteurs centraux de la réponse immunitaire innée et adaptative. Elles jouent un rôle important dans l’homéostasie tissulaire, le processus de réparation ainsi que la défense contre les agents pathogènes. Les cellules myéloïdes sont caractérisées par des populations cellulaires distinctes ayant des fonctions très diverses, notamment les macrophages, les cellules myéloïdes suppressives (MDSCs), les neutrophiles et les cellules dendritiques (DCs). Dans le microenvironnement tumoral (TME), l’interaction entre les cellules myéloïdes et les cellules T spécifiques à la tumeur est essentielle pour initier et maintenir une immunité antitumorale. Dans les tumeurs malignes, les macrophages associés aux tumeurs (TAMs), les MDSCs et les neutrophiles associés aux tumeurs (TANs) favorisent la progression de la maladie en soutenant la survie, la prolifération et l’invasion des cellules cancéreuses et en supprimant les réponses immunitaires adaptatives. Les résultats cliniques et expérimentaux ont montré que les tumeurs présentant une forte infiltration de TAMs, MDSCs et TANs sont généralement associées à un mauvais pronostic pour le patient et à une résistance aux thérapies. Cependant, la présence de DCs associées aux tumeurs (TADCs) tend à réduire la progression du cancer et est souvent associée à une amélioration de la survie des patients. Par conséquent, supprimer les fonctions pro-tumorales et angiogéniques des TAMs, des MDSCs et des TANs et améliorer la capacité immuno-stimulatrice des TADCs, serait une approche anticancéreuse optimale. Cette revue se focalisera sur les différentes cellules myéloïdes associées aux tumeurs dans le TME, sur le rôle de l’infiltrat myéloïde dans l’immunologie tumorale et leur impact pronostique et/ou prédictif dans les cancers. Cibler les cellules myéloïdes dans les tumeurs est considéré comme une stratégie thérapeutique prometteuse et permettra d’améliorer l’efficacité des traitements actuels dont les immunothérapies.

Entérite ulcéro-hémorragique diffuse secondaire à une immunothérapie par ipilimumab et nivolumab pour un mélanome métastatique

L’immunothérapie a révolutionné la prise en charge de nombreuses maladies tumorales. Ces traitements sont responsables de multiples effets secondaires. Sur le plan digestif, il. s’agit principalement de colites immuno-médiées parfois sévères. Cet article rapporte un cas de choc hémorragique compliquant une entérite ulcéro-hémorragique diffuse corticorésistante chez un patient traité par l’association d’un anti-CTLA-4 et d’un anti-PD-1 pour un mélanome métastatique. Ce cas est inhabituel par la topographie de l’atteinte digestive, la sévérité de l’hémorragie et la constatation d’un saignement provenant d’un diverticule de Meckel. Une entéroscopie per-opératoire a permis un bilan lésionnel précis. La prise en charge a inclus la résection du diverticule de Meckel puis l’administration d’infliximab permettant d’obtenir une cicatrisation muqueuse complète.

Toxicités multiples : marqueur de tolérance et d’efficacité des anti-PD-1

Une proportion non négligeable de patients traités par immunothérapie est amenée à développer des toxicités multiples et successives. Il est ici décrit le cas d’un patient atteint d’un adénocarcinome pulmonaire, traité par immunothérapie après une récidive ganglionnaire. Un traitement par corticothérapie a été nécessaire devant un tableau d’arthrite diffuse 5 mois après l’initiation du traitement par nivolumab. La majoration de la taille des adénopathies a ensuite nécessité une radiothérapie stéréotaxique, puis une cytolyse hépatique fluctuante et une cholestase ictérique inexpliquée sont apparues 6 mois plus tard avec une biopsie hépatique en faveur d’une stéatopathie d’origine non éthylique. La rémission métabolique complète du patient a permis l’arrêt du nivolumab par la suite. Cependant, le patient a développé des myalgies et des paresthésies des extrémités avec un diagnostic de myosite prouvé par la biopsie musculaire et de neuropathie axonale sur l’électromyogramme. Nous faisons également le point sur une étude réalisée à partir de la base de pharmacovigilance REISAMIC sur une population traitée par immunothérapie et présentant de multiples toxicités, qui semble indiquer que les multi-toxicités pourraient être un marqueur simple de tolérance et d’efficacité des anti-PD-1.

Nouvelles du congrès de l’association américaine de recherche sur le cancer AACR 2020 virtuel : approches de vaccination personnalisée, TIGIT un nouveau checkpoint inhibiteur et les mutations STK11 et KEAP1 n’affectent pas la réponse à pembrolizumab dans le CPNPC

Contexte

Les néoantigènes résultant de mutations somatiques sont des cibles intéressantes pour l’immunothérapie anticancéreuse car ils peuvent être reconnus comme étrangers par le système immunitaire. RO7198457, un ARN-Lipoplex iNeST administré par voie systémique a été conçu pour stimuler les réponses des lymphocytes T contre les néoantigènes. Une première étude de phase Ib chez l’homme sur RO7198457, en combinaison avec l’anticorps aPD-L1 atezolizumab, est en cours chez des patients atteints de tumeurs solides localement avancées ou métastatiques.

Impact d’une chimiothérapie de type bridging dans le lymphome B diffus à grandes cellules en rechute ou réfractaire traité par CAR T-cells anti-CD19 : expérience de vie réelle

Nous avons réalisé une étude rétrospective afin d’évaluer l’impact de la bridging therapy (chimiothérapie d’attente) sur le contrôle de la maladie avant réinjection des CAR T-cells, et sur l’efficacité et la toxicité des CAR T-cells chez les patients traités par cette thérapie innovante pour un lymphome B diffus à grandes cellules en rechute/réfractaire dans notre centre (service Hémato-Oncologie, Hôpital Saint-Louis, AP-HP). Quarante-six patients ont été inclus, 30 ont reçu une bridging de haute intensité, 16 de faible intensité. Les patients ayant reçu une bridging de haute intensité avaient un lymphome de plus forte masse tumorale lors de la décision thérapeutique que les patients ayant reçu une bridging de faible intensité. Il n’y avait pas de différence significative entre les 2 groupes en termes de contrôle de la maladie avant réinjection des CAR T-cells, ni en termes d’impact sur l’efficacité des CAR T-cells. En revanche, nous avons observé significativement plus de toxicité neurologique centrale (ICANS) chez les patients ayant reçu une bridging de haute intensité.