Editorial Volume 4 – Numéro 4

Chers collègues,
L’année 2020 se termine avec son triste cortège de décès et de problèmes liés à la Covid-19. En parallèle, on a assisté à une accélération sans pareil des progrès scientifiques dans le domaine des virus SARS et de l’immunité antivirale avec plus de 100 000 articles publiés en moins d’un an, à l’obtention de plusieurs vaccins, dont celui de Pfizer-BioNTech validé par l’agence européenne des médicaments ainsi qu’au démarrage de la campagne de vaccination dans quelques pays. Le vaccin Pfizer-BioNTech utilise la nouvelle technologie de l’ARN messager.

Il est intéressant de noter que l’extraordinaire exploit qui a consisté à produire en quelques mois les premiers vaccins s’appuie sur des années de recherche de l’équipe de Ugur Sahin et Ozlem Türeci sur les vaccins contre le cancer, années qui avaient d’ailleurs abouti en 2017 aux premiers vaccins à ARN personnalisés basés sur la prédiction des néoépitopes tumoraux (Sahin U et al., Nature 2017). L’année 2021 s’ouvre ainsi avec un immense espoir, celui des vaccins anti-Covid-19. Les patients cancéreux sont à risque accru de complications liées à la Covid-19, dont le décès. La société internationale d’immunothérapie du cancer recommande d’ores et déjà de vacciner les patients sous immunothérapie. La crise sanitaire liée à la Covid-19 accentue la nécessité d’une administration à domicile des médicaments anticancéreux, y compris de l’immunothérapie. La société française d’immunothérapie des cancers (FITC) publie ses recommandations sur le traitement à domicile par immunothérapie des patients cancéreux (https://www.fitcancer.fr/).
L’article « Mise au point » de ce nouveau numéro aborde le sujet important de la dose d’anticorps thérapeutiques anti-inhibiteurs des points de contrôle immunitaire à administrer…

Dose et intervalle d’administration des inhibiteurs de points de contrôle immunitaire : une place pour l’optimisation ?

Les inhibiteurs de points de contrôle immunitaires, anti-CTLA-4 et anti-PD-1/PD-L1, sont des anticorps thérapeutiques monoclonaux qui ne ciblent pas les cellules cancéreuses, mais qui veillent à réactiver ou promouvoir le système immunitaire antitumoral. Le choix des modalités d’administration de ces biothérapies a été fait selon les modèles de développement classiques des médicaments, alors même que la détermination d’une dose maximale tolérée en clinique n’a pu être définie que pour les anti-CTLA-4. Tenant compte de la pharmacologie des anticorps monoclonaux, des variabilités pharmacocinétiques interindividuelles fortes, du bénéfice clinique réel uniquement pour une certaine fraction de patients, et du coût non négligeable de ces traitements, le sujet de la dose retenue et des schémas d’administration utilisés interroge. Cette revue vise à retracer l’histoire du développement de ces immunothérapies et d’envisager quelles pourraient être les actions d’optimisation de leur utilisation en clinique.

Impact du métabolisme sur la réponse à l’immunothérapie des cancers

Malgré le succès et la transversalité remarquable des immunothérapies, seule une fraction des patients atteints de cancers en bénéficie à ce jour. Une des pistes thérapeutiques en cours d’exploration est la modulation du métabolisme cellulaire. En particulier, les cellules malignes augmentent leur consommation de glucose et de la glutamine et leur catabolisme pour soutenir leur prolifération continue. Or, les effecteurs lymphocytaires de l’immunosurveillance du cancer partagent ce besoin et l’indisponibilité de ces nutriments dans le lit tumoral limite leur efficacité. Afin de rétablir un environnement propice à l’infiltration, prolifération, survie et fonction effectrices des acteurs de la réponse anticancéreuse, des approches de reprogrammation métabolique des cellules malignes et de leurs complices stromaux sont à l’étude. Elles reposent sur l’association des immunothérapies avec des modulateurs métaboliques de nature pharmacologique ou des régimes diététiques particuliers. Les données précliniques publiées confortent la faisabilité et l’efficacité de ces combinaisons thérapeutiques. Leur évaluation clinique est en cours.

Dépigmentation vitiligoïde induite par les anti-PD-1 : la repigmentation peut annoncer la récidive

L’ipilimumab, inhibiteur de CTLA-4 (cytotoxic T lymphocyte antigen 4) est la première immunothérapie à avoir démontré une amélioration de la survie globale dans le mélanome stade III/IV, avec des effets secondaires fréquents. Le vitiligo est le seul effet secondaire auto-immun dont l’apparition est corrélée à une réponse thérapeutique objective. Le mécanisme physiopathologique est encore mal connu mais possède des caractéristiques qui le distinguent du vitiligo spontané. Nous rapportons le cas d’un patient traité par ipilimumab pour un mélanome métastatique ganglionnaire non résécable qui a présenté un vitiligo étendu associé à une réponse complète. Lors du suivi, nous avons observé une repigmentation progressive précédant la récidive ganglionnaire. Si l’apparition du vitiligo est associée à une réponse tumorale, la repigmentation pourrait annoncer un échappement thérapeutique.

Brèves de l’ESMO 2020 : bénéfice net des combinaisons d’immunothérapies ± chimiothérapies dans de nombreux cancers, même avancés, mais l’ovaire, le sein triple négatif et la tête et cou résistent encore aux associations

CANCERS UROLOGIOUES
L’association nivolumab et cabozantinib démontre un bénéfice pour le cancer du rein à stade avancé

Nivolumab + cabozantinib vs sunitinib dans le traitement de première intention du carcinome rénal avancé : premiers résultats de l’essai randomisé de phase III CheckMate 9ER. D’après Choueiri TK, et al. Nivolumab + cabozantinib vs sunitinib in first-line treatment for advanced renal cell carcinoma: first results from the randomized phase 3 CheckMate 9ER trial. ESMO Virtual Congress 2020 ; Abstract 696O_PR.

Compte tenu de l’efficacité qui a été observée avec les monothérapies nivolumab et cabozantinib dans le carcinome rénal avancé, le Dr Toni Choueiri (Dana-Farber Cancer Institute) a présenté l’essai CheckMate 9ER associant nivolumab et cabozantinib pour le carcinome à cellules claires du rein (RCC) avancé avec un composant à cellules claires. Le critère d’évaluation principal de l’étude était la survie sans progression (SSP) et les résultats ont été présentés après un suivi médian de 18,1 mois…

Cancer du pancréas et mutation ATM : une réponse complète mais beaucoup de questions

Contexte

Devant l’augmentation de l’incidence des cancers du pancréas (CP), ainsi que la mortalité importante associée à ces tumeurs, il appareil nécessaire d’améliorer notre arsenal thérapeutique. En raison de l’échec des immunothérapies et de la plupart des thérapies ciblées dans ces tumeurs, seules les chimiothérapies conventionnelles sont utilisées à l’heure actuelle. Une voie pour améliorer ce pronostic serait de cibler les mécanismes de réparation de l’ADN, notamment ceux de la recombinaison homologue. Les acteurs principaux de cette voie, notamment les protéines BRCA1/2 et ATM (Ataxia telangiectasia mutated), sont altérés dans un nombre restreint mais significatif de CP. Des études suggèrent que à l’instar de BRCA1/2, les mutations du gène ATM conféreraient une plus grande sensibilité tumorale aux sels de platine ainsi qu’aux inhibiteurs de poly (ADP-ribose) polymérase (PARP). De plus, des données récentes suggèrent que ces molécules pourraient induire une mort cellulaire immunogénique et que la combinaison inhibiteurs de PARP et immunothérapie serait synergique.

Objectif

Nous présentons ici le cas d’une patiente atteinte d’un CP métastatique d’emblée au niveau hépatique, traitée par chimiothérapie de type FOLFIRINOX (5-fluorouracile, oxaliplatine et irinotecan). Cette patiente a présenté une réponse complète à la chimiothérapie après 14 mois de traitement et aujourd’hui la patiente reste en réponse complète après 2 ans de pause thérapeutique. En raison d’un antécédent de cancer du sein des analyses constitutionnelles ont été réalisées et ont mis en évidence une mutation d’ATM.

Conclusion

Cet exemple montre la nécessité de mieux caractériser les anomalies génomiques des CP, afin de définir les facteurs prédictifs de réponse aux différents traitements. La médecine de précision, utilisée dans d’autres tumeurs sera prochainement applicable au CP.