Editorial Volume 5 – Numéro 1

Chers collègues,
Les 5èmes JSIC se sont tenues en édition 100 % digitale les 26 et 27 janvier et ont été une très grande réussite : 1 052 participants se sont connectés, témoignant de l’intérêt de notre communauté pour la révolution qu’apporte l’immunothérapie dans le traitement des cancers. Cette année, le programme a allié une mise à jour des défis immunologiques que représente la Covid-19 aux rubriques désormais habituelles sur la place de l’immunothérapie dans la stratégie thérapeutique, des discussions autour de cas cliniques, ainsi que des débats autour de l’accès aux immunothérapies. Pour la première fois, les projets d’immunothérapie à domicile qui nécessitent une nouvelle organisation des acteurs hospitaliers et libéraux et du système de soins ont été présentés. Un grand bravo au comité scientifique, aux organisateurs ainsi qu’aux orateurs et rendez-vous en janvier 2022 pour la prochaine édition.

Vaccination anti-SARS-CoV-2 et patients atteints de cancer

L’épidémie liée au virus SARS-CoV-2 à l’origine de la maladie Covid-19 est actuellement un problème de santé publique mondial Les patients atteints de cancer ont ainsi été considérés, depuis le début de cette pandémie, comme personnes vulnérables. L’urgence de la vaccination chez les patients atteints de cancer se justifie non seulement par des données de surmortalité mais également afin de ne pas laisser l’infection impacter la mise en route ou ta continuité de la prise en charge ontologique. La vaccination contre le virus SARS-CoV-2 qui a débuté le premier trimestre 2021 suscite de nombreux espoirs pour protéger en priorité ces patients fragilisés par la maladie cancéreuse et ses traitements. De manière assez remarquable, des vaccins ont pu être développés très rapidement et la vaccination a pu débuter en moins d’un an. Les vaccins actuellement validés ont prouvé leur efficacité et leur tolérance. Néanmoins, de nombreux questionnements demeurent dans le cadre de la pathologie cancéreuse : quel vaccin proposer ? À quel moment vacciner ? Le vaccin est-il efficace chez ces patients ? Il apparait donc nécessaire d’étudier l’efficacité de la vaccination chez les patients atteints de cancer afin de vérifier que le vaccin protégera ces patients de la maladie Covid-19 et notamment des formes graves.

Indications et place des immunothérapies dans la stratégie thérapeutique des cancers

L’immunothérapie occupe désormais une place de choix dans le traitement de plusieurs cancers. En effet, cette année a été marquée par la présentation de plusieurs résultats qui vont permettre à l’immunothérapie de se développer dans ces pathologies : cancer du sein triple négatif (TN), cancers digestifs, cancers génito-urinaires, cancers du poumon… Dans les cancers digestifs, l’immunothérapie commence à trouver sa place en ligne des standards de traitement, en particulier en association avec la chimiothérapie (CT) dans les cancers gastriques et les cancers de l’œsophage avancés ou métastatiques. Dans les cancers du sein, en particulier, le sous-type TN, l’association CT et immunothérapie a montré son intérêt en situation métastatique. Dans les cancers bronchiques, l’immunothérapie a confirmé son efficacité, notamment chez les patients exprimant fortement PD-L1. Parmi les avancées les plus significatives, l’avelumab a été approuvé dans le traitement de maintenance des carcinomes urothéliaux métastatiques. En revanche, les résultats décevants dans les glioblastomes entraînent un certain scepticisme quant à l’efficacité des immunothérapies dans cette indication. Aujourd’hui, l’arsenal thérapeutique s’est encore étoffé et il est nécessaire de travailler sur le développement de biomarqueurs pour sélectionner les patients susceptibles de répondre le mieux à chaque stratégie thérapeutique. Dans ce contexte, plusieurs résultats ont souligné l’intérêt du statut MSI, notamment dans le cancer colorectal et le cancer de l’endomètre où l’immunothérapie a montré son efficacité, ou encore PD-L1 dans les cancers bronchiques.

Rôle de l’immunothérapie dans le traitement des tumeurs de la vessie

Les traitements systémiques des tumeurs de la vessie ont pendant longtemps été circonscrits aux seules chimiothérapies à base de sels de platine. En effet, depuis plusieurs années, la chimiothérapie néoadjuvante à base de sels de platine est le traitement de référence péri-opératoire des tumeurs de la vessie infiltrant le muscle. Les inhibiteurs de checkpoint sont désormais envisagés à un stade localement avancé et/ou métastatique. Le profil de toxicité est bien meilleur ce qui permet d’envisager de les administrer à tous les patients. Ils ont aussi démontré leur efficacité dans le cadre des tumeurs de vessie infiltrantes métastatiques et sont déjà recommandés et autorisés dans cette indication. De nombreux essais sont en cours afin d’évaluer la place de ces thérapies dans le traitement des tumeurs de la vessie infiltrantes ou non. L’objectif de cette revue est de faire un état des lieux des traitements par inhibiteurs de checkpoint dans les tumeurs de la vessie, mais aussi de faire le point sur les différents essais en cours.

Les modifications de l’évolution naturelle de la maladie imposent d’adapter la prise en charge de nos patients ayant un CBNPC sous immunothérapie

L’arrivée des molécules inhibitrices de point de contrôle immunitaire a non seulement amélioré drastiquement la survie de certains patients ayant un CBNPC métastatique, mais a également conduit à des modifications de révolution naturelle de la maladie chez d’autres, amenant à repenser la prise en charge née des années d’utilisation de la chimiothérapie. Le cas clinique que nous rapportons concerne un patient traité depuis plus de 4 ans par nivolumab, qui a présenté, de façon successive, des progressions oligométastatiques qui ont à chaque fois fait l’objet de techniques ablatives locales, permettant de poursuivre l’immunothérapie (IO). Avec le temps, les cliniciens ont appris à mieux gérer ces molécules, ce qui a conduit notamment à proposer une nouvelle façon d’évaluer la réponse avec des critères RECIST adaptés, et à poursuivre l’immunothérapie dans certains cas lorsque le bénéfice clinique continuait d’être pressenti. Ce cas clinique illustre un changement des modalités évolutives constatées chez certains patients sous IO et l’intérêt d’une prise en charge multidisciplinaire. Il permet également de discuter les nouvelles modalités de prises en charge possibles lorsque le traitement est bien toléré et que l’état général du patient l’autorise.

CAR T-cells et tumeurs solides : de nombreux défis à relever

Les chimeric antigen receptor (CAR) T-cells ont récemment fait la preuve de leur efficacité clinique en oncohématologie, chez des patients en échec des traitements habituels. Ainsi, deux CAR T-cells anti-CD19 sont actuellement commercialisés pour le traitement des leucémies aiguës lymphoblastiques B et des lymphomes diffus à grandes cellules B en rechute/réfractaires. Les CAR T-cells sont des lymphocytes T génétiquement modifiés pour exprimer un récepteur de surface capable de rediriger leur spécificité contre les cellules tumorales. Le récepteur est dit chimérique car il est composé d’une partie extracellulaire qui se lie à l’antigène tumoral à la manière d’un anticorps, donc de façon indépendante du complexe majeur d’histocompatibilité (CMH), et d’une partie intracellulaire qui mime les signaux d’activation du T cell receptor (TCR). Malheureusement, le succès clinique observé pour les hémopathies B ne s’est, pour le moment, pas reproduit avec les tumeurs solides malgré quelques réponses rapportées, par exemple, après traitement par CAR T-cells anti-GD2 chez des patients présentant un neuroblastome en rechute/réfractaire . Cet article présente une synthèse des principaux obstacles qui limitent le développement clinique des CAR T-cells dans les tumeurs solides, et des voies d’optimisation qui sont proposées.

Apport des approches single cell en immuno-oncologie

Restaurer ou stimuler une réponse immunitaire endogène fait maintenant partie de l’arsenal thérapeutique des tumeurs immunogéniques. Plusieurs centaines d’essais cliniques ouverts incluent au moins un médicament d’immunothérapie. Cette réponse immunitaire à la fois innée et adaptative met en jeu de multiples populations cellulaires et prend place à la fois au sein de la tumeur, des ganglions de drainage et dans la circulation sanguine. Identifier les acteurs de cette réponse, afin d’en déterminer les mécanismes ciblables et les facteurs prédictifs de réponse au traitement, nécessite donc d’isoler ces différentes populations immunitaires entre elles et des cellules tumorales. Ainsi, la cytométrie en flux et plus récemment le CyTOF ont largement contribué à l’émergence de l’immuno-oncologie (IO). Cependant, l’apparition récente de nouvelles technologies, alliant à la fois haut débit et approche agnostique, a rebattu les cartes et apporté de nouveaux outils en immuno-oncologie pour le développement de stratégies thérapeutiques optimisées.

Etude protéomique du Syndrome de Richter

Malgré les avancées majeures dans les études génomiques, les mécanismes biologiques d’agressivité dans le syndrome de Richter (SR) ne sont pas totalement compris. Pour comprendre ces mécanismes, nous avons pour la première fois analysé le protéome d’échantillons ganglionnaires congelés provenant de SR, de lymphome B diffus à grandes cellules (LBDGC) de novo (chimiosensible [CS] et chimioréfractaire [CR] et d’autres LBDGC secondaires (S). Cinquante-neuf échantillons ont été analysés dont 21 SR, 19 LBDGC chimiosensibles, 9 de LBDGC chimio-résistants et 10 de LBDGC secondaires hors Richter. Le SR présente un profil protéomique caractéristique par rapport aux autres types de LBDGC dans 71 % des cas. La réponse inflammatoire et du complément est sous exprimée dans le SR. Le SR surexprime des marqueurs de prolifération [MAX, q = 0,01 ; SY1, q = 0,01 ; BTK, q = 0,02 ; ZAP70, q = 0,03] et de réparation de l’ADN ou la dégradation de TP53 (POLR2A, q = 0,02 ; YY1, q = 0,03). Cette étude met en évidence des marqueurs impliqués dans l’agressivité de la maladie. Mais ces résultats sont en attente de confirmation par d’autres techniques.