Editorial

Chers collègues,
Ce numéro suit deux congrès annuels importants pour notre discipline, celui de l’American Association for Cancer Research (AACR) qui a eu lieu à Orlando du 14 au 20 avril 2023, et celui de l’American Society of Clinical Oncology (ASCO) qui s’est tenu à Chicago du 2 au 6 juin 2023. Vous trouverez dans ce numéro plusieurs articles qui permettront de vous éclairer sur les avancées majeures présentées lors de ces deux congrès. L’annonce faite à l’ASCO des premiers résultats de l’essai de phase IIb Keynote-942 de l’ARNm-4157, montrant que le vaccin anticancéreux personnalisé à base d’ARNm en association avec le pembrolizumab (anti-PD-1) réduisait de 65 % le risque de propagation à d’autres organes ou de décès dans le mélanome à haut risque, a été accueillie avec enthousiasme. Elle illustre une retombée positive de la COVID qui, en fournissant les moyens appropriés, a permis d’accélérer la recherche sur les vaccins à ARN.

Dernières avancées dans le traitement adjuvant et néoadjuvant du mélanome

Pour les patients atteints de mélanome cutané résécable à haut risque de récidive, le choix du traitement adjuvant ou néoadjuvant est basé sur le stade (AJCC 2017 8e édition).
Pour les stades IIB et IIC, un an d’immunothérapie adjuvante avec le pembrolizumab ou le nivolumab est recommandé, plutôt qu’une surveillance.
Stade IIIA
Pour les patients avec des ganglions sentinelles contenant une tumeur < 1 mm, une surveillance peut être envisagée. Pour tous les autres patients, une immunothérapie adjuvante avec un anti-PD-1 (nivolumab ou pembrolizumab) est recommandée. Pour les mélanomes mutés BRAF, un traitement adjuvant par thérapie ciblée dabrafenib et trametinib peut être proposé. Les deux options présentent des profils de toxicité différents.
Stades IIIB, IIIC et IIID
Pour les patients présentant une maladie macroscopique résécable, un traitement initial par pembrolizumab néoadjuvant plutôt qu’une chirurgie primaire est séduisante, suivi d’un traitement adjuvant après chirurgie. Pour les patients n’ayant pas reçu de traitement néoadjuvant, les options de traitement systémique adjuvant comprennent pendant 1 an un anti-PD-1 ou la thérapie ciblée selon le statut BRAF V600.
Stade IV
Pour le stade IV opéré, un traitement adjuvant par nivolumab seul, voire par nivolumab plus ipilimumab suivi du nivolumab en entretien, plutôt que la surveillance seule est recommandé.

CAR-T cells en hématologie : la remontée des lignes

L’immunothérapie en oncohématologie avec notamment les CAR-T cells a profondément amélioré la survie des patients qui sont en rechute après de nombreuses lignes de traitement. Avec une toxicité largement acceptable pour la majorité des patients, les CAR-T cells montrent des résultats exceptionnels tant en termes de réponses que de survies dans les hémopathies B et le myélome. Cependant, ces CAR-T cells ne permettent pas aujourd’hui de guérir tous les patients avec une perte d’efficacité au fur et à mesure des mois suivant leur injection. Plusieurs pistes d’amélioration sont en cours d’évaluation pour optimiser leur utilisation à venir. L’avenir des CAR-T cells en oncohématologie est bien assuré ; tant mieux pour nos patients.

Gestion des toxicités liées aux immunothérapies dans le cancer du sein triple négatif

Les indications de l’immunothérapie dans les cancers du sein se limitent actuellement aux cancers du sein triple négatifs, au stade localisé et au stade métastatique. L’immunothérapie est utilisée en association avec la chimiothérapie puis seule en entretien et peut induire des toxicités en rapport avec la chimiothérapie mais aussi des effets indésirables spécifiques, tels que les dysthyroïdies, rash et vitiligo… posant le problème de la gestion particulière de l’immunotoxicité. Nous rapportons ici le cas d’une patiente présentant un cancer du sein triple négatif à un stade localement avancé. La patiente a reçu de la chimiothérapie première à base de taxane et carboplatine puis anthracycline, associés à une immunothérapie néoadjuvante puis adjuvante ; elle a bien toléré le traitement qui a été poursuivi comme prévu. Un bilan endocrinologique a été réalisé à intervalles réguliers en cours de traitement afin de surveiller la tolérance. En effet, les effets indésirables liés aux immunothérapies restent en majorité infracliniques mais peuvent être parfois sévères voire létaux s’ils ne sont pas diagnostiqués précocement pour une prise en charge rapide. Le plus souvent, ils sont réversibles sous corticothérapie mais certains nécessitent l’arrêt du traitement. Ce cas clinique illustre l’intérêt de la surveillance étroite et de la gestion précise des toxicités sous immunothérapie tout en présentant les nouvelles modalités de prise en charge du cancer du sein triple négatif lorsque le traitement est bien toléré.

Le complément intracellulaire C5a/C5aR1 stabilise la β-caténine pour favoriser la tumorigenèse colorectale

JUSTIFICATIF ET OBJECTIFS
Le complément est un système de surveillance de l’immunité innée qui joue un rôle clé dans la défense contre les pathogènes et dans le maintien de l’homéostasie de l’hôte. Le système du complément est une cascade de protéines plasmatiques, sécrétées principalement par le foie, qui 1) opsonisent les pathogènes pour faciliter leur élimination par les phagocytes, 2) lysent certaines espèces bactériennes, 3) créent un milieu inflammatoire pour attirer et activer les cellules immunitaires au site d’activation du complément, et 4) assurent l’élimination des complexes immuns et des cellules apoptotiques. Les protéines du complément peuvent être produites par des cellules autres que les hépatocytes et des études récentes ont révélé qu’elles peuvent également fonctionner à l’intérieur de ces cellules, en servant de facteurs de survie.

AACR 2023 : premier vaccin à ARNm personnalisé dans le mélanome ; progression de l’immunothérapie par anti-PD-1 dans le carcinome hépatocellulaire et les mélanomes desmoplastiques

INTRODUCTION
Les stratégies vaccinales utilisant des antigènes tumoraux comme MAGE3, GM2 ou Muc-1 n’ayant pas montré d’efficacité, les chercheurs se sont tournés vers des néoantigènes spécifiques de tumeur issus de mutations ou de modifications post-translationnelles. Les néoantigènes étant issus de l’édition des antigènes des cellules tumorales par le système immunitaire de l’hôte, ils sont spécifiques de chaque patient. Ces nouvelles approches vaccinales personnalisées qui permettent d’activer une réponse T propre à la tumeur et à chaque patient nécessitent une haute et coûteuse technologie qui a pu se développer grâce aux progrès des bases de données et de la bio-informatique. Le processus comprend plusieurs étapes. Il faut tout d’abord identifier les néoantigènes de chaque patient par comparaison des séquences exomiques de la tumeur et du tissu sain,

Impact de l’immunité humorale et cellulaire dans l’efficacité vaccinale contre la COVID-19 chez les patients atteints de leucémie lymphoïde chronique sous traitement

Les patients atteints de leucémie lymphoïde chronique étant considérés comme immunodéprimés, nous pouvons nous interroger sur leur réponse vaccinale contre la COVID-19. L’objectif de cette étude rétrospective monocentrique est d’analyser l’impact de l’immunité humorale et cellulaire sur l’efficacité vaccinale contre la COVID-19 chez les patients atteints de leucémie lymphoïde chronique. Les résultats au niveau de l’immunité humorale rendent compte d’une réponse humorale de 30 %, 54 % et 72 % respectivement après 1, 2 ou 3 doses vaccinales. Avec comme facteur déterminant l’absence de réponse vaccinale : premièrement le traitement (réponse faible voire inexistante chez les patients traités par anticorps anti-CD20 seuls ou en combinaison, et/ou par inhibiteur de la tyrosine kinase de Bruton en monothérapie),
secondairement la présence d’une hypogammaglobulinémie. Au niveau de l’analyse de l’immunité cellulaire (quantitative et qualitative) en parallèle à la réponse sérologique post-vaccinale, les résultats rendent compte : d’un impact du traitement sur les phénotypes lymphocytaires T et NK (les patients jamais traités ayant des taux de lymphocytes CD3, CD4 et CD56 plus élevés que les patients en cours de traitement ou déjà traités) ainsi que d’une corrélation entre l’absence de réponse sérologique et certains taux de lymphocytes en valeur absolue (taux de CD8 plus élevé avant le schéma vaccinal, taux de CD3 et CD4 plus élevés après la deuxième dose de vaccin). Les premiers résultats de notre étude montrent que malgré le déficit immunitaire inhérent à la pathologie, on observe une réponse vaccinale contre la COVID-19. Cette réponse reste néanmoins plus faible que la population générale et est influencée par le statut de la maladie ainsi que le traitement de celle-ci.