Éditorial

Chers collègues,
Ce dernier numéro de l’année aborde l’approche de l’immunothérapie intratumorale que nous voulions traiter depuis longtemps, en raison non seulement des résultats favorables des études précliniques, mais aussi du rationnel sous-jacent. L’immunothérapie intratumorale est souvent basée sur une stimulation de l’immunité innée à l’aide d’agonistes des Pattern Recognition Receptors qui activent localement l’immunité adaptative, produisant un effet vaccinal et une réponse systémique, puis un effet abscopal sur les sites à distance. Des anti-immune checkpoints, des virus oncolytiques et des cytokines sont également utilisés. La lecture de la mise au point vous apprendra que cette approche qui semble efficace se heurte néanmoins à des obstacles pratiques et à la difficulté d’obtenir un effet abscopal chez l’homme (Philippe A. Cassier).
Dans le champ des biomarqueurs de réponse à l’immunothérapie, voici un autre sujet que nous n’avons fait qu’effleurer, celui des mini-organes lymphoïdes secondaires situés dans les tumeurs, les structures lymphoïdes tertiaires (Tertiary Lympoid Stuctures, TLS) qui font l’objet d’un intérêt grandissant au sein de la communauté internationale. Décrites il y a une quinzaine d’années dans notre équipe comme capables de produire in situ une réponse immunitaire antitumorale, leur association à la réponse aux anti-checkpoints les a mises au devant de la piste immuno-oncologique. Les TLS sont présentes dans tous les cancers, mais certains patients n’en développent pas. Le premier article bref présente les résultats du premier essai mondial réalisé en collaboration avec notre équipe, où des patients atteints de sarcomes des tissus mous sélectionnés pour la présence de TLS ont reçu du pembrolizumab. Les résultats montrent un taux de réponse jamais atteint dans les sarcomes et encouragent les études permettant la translation de ce marqueur en marqueur de routine (Florent Peyraud, Antoine Italiano).
Le second article bref fait le point des actualités sur les traitements par immunothérapie des tumeurs urologiques présentées cette année à l’ESMO, où les études de phase III dans le ccRCC en situation adjuvante ont donné des résultats décevants, et où les combinaisons TKI/nivolumab/ipilimumab se sont révélées très toxiques (Yann-Alexandre Vano). Autre cancer urologique où les anti-immune checkpoints donnent peu de réponses, celui des cancers du rein chromophobes, en raison de la pauvreté de l’infiltrat immunitaire, comme discuté dans le cas clinique (Matthieu Roulleaux Dugage, Claire Gervais, Stéphane Oudard). Ce type de cancer pourrait bénéfi cier un jour de l’injection d’agents induisant la formation de TLS de façon à créer un infiltrat immunitaire local et une réponse immunitaire antitumorale. Enfin, il est clair également que l’immunothérapie n’a pas non plus trouvé sa place en monothérapie dans les cancers des voies biliaires, mais en association avec la chimiothérapie (Raphael Colle, David Malka).
Je termine cet éditorial sur une thématique de recherche émergente en oncologie : celle de l’oncologie mécanique. Les cellules tumorales adoptent des profils mécaniques très différents, en fonction de leur localisation et de leur progression, allant de très rigide à très déformable. Des données récentes suggèrent que les profils mécaniques des cellules cancéreuses sont associés à la réponse à l’immunothérapie, pouvant dans certaines conditions engendrer un profil de résistance, ouvrant ainsi des perspectives thérapeutiques nouvelles (cf. OEil de l’interne, Vincent Mittelheisser, Valentin Gensbittel, Olivier Lefebvre, Naël Osmani, Jacky G. Goetz).
Un très grand merci à tous les auteurs pour leurs excellentes contributions écrites dans des situations d’emplois du temps surchargés, et pour votre implication dans LA REVUE Immunité & Cancer.
Je vous adresse mes meilleurs vœux pour l’année 2023 et vous donne rendez-vous aux prochaines Journées Scientifiques Immunité & Cancer (JSIC) ; branchez-vous nombreux !
Pr Catherine SAUTÈS-FRIDMAN
Rédactrice en chef de LA REVUE Immunité & Cancer
Rev Immun Cancer 2022 ; 6 (3) : 103-4.