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Indications et place des immunothérapies dans la stratégie thérapeutique des cancers en 2023

Depuis quelques années, l’immunothérapie prend une place de plus en plus importante dans les stratégies thérapeutiques en oncologie et en oncohématologie. Elle se positionne aujourd’hui comme un standard de traitement dans les cancers digestifs, gynécologiques, du sein, cutanés, de la sphère ORL, thoraciques, génito-urinaires, ainsi que dans certaines hémopathies malignes. À travers les actualités de cette année, la révolution de l’immunothérapie en oncologie solide persiste et signe, avec une remontée des lignes dans plusieurs algorithmes de traitement, qui remettent même en cause la chirurgie dans certaines situations. De même, dans les hémopathies malignes, les approches d’immunothérapie (CAR T-cells et les anticorps bispécifiques) confirment leur place aux stades avancés dans le lymphome et le myélome multiple et montrent des résultats positifs, plus ou moins matures, dans les lignes antérieures de traitement. En revanche, l’immunothérapie n’a pas encore trouvé sa place dans les cancers de l’ovaire ou les glioblastomes, avec pour ces derniers un avenir qui se dessine avec des approches vaccinales antigènes-spécifiques. Aujourd’hui, plusieurs essais sont en cours afin de sélectionner les patients qui bénéficieraient d’une meilleure prise en charge et d’enrichir l’arsenal thérapeutique de ces différentes tumeurs.

Cancer du sein triple négatif métastatique : à propos d’un cas

Le cancer du sein est le cancer féminin le plus fréquent. Malgré de très importantes avancées réalisées dans la prise en charge de ce cancer ces dernières années, certaines formes restent difficiles à traiter. C’est le cas du cancer triple négatif, une forme agressive qui représente 15 % des cas de cancer du sein. L’arrivée de nouvelles thérapies telles que l’immunothérapie, les inhibiteurs de PARP, les anticorps conjugués permet une amélioration de la survie sans progression et de la survie globale. Nous rapportons ici le cas d’une patiente avec un cancer du sein métastatique triple négatif ayant pu bénéficier des traitements successifs d’immunothérapie, inhibiteur de PARP et anticorps conjugués.

Lymphocytes B et TLS en immunité antitumorale et en immunothérapie

Depuis quelques années, le concept selon lequel l’immunité antitumorale reposerait quasiment exclusivement sur les lymphocytes T est remis en question. Les lymphocytes B, initialement décrits comme favorisant la croissance tumorale, ont été démontrés dans de nombreuses études récentes comme des alliés de taille pour combattre les tumeurs. Ces cellules de l’immunité adaptative expriment un récepteur d’antigène et peuvent être activées à la fois dans des organes lymphoïdes secondaires et in situ, comme dans les tumeurs humaines au sein de « structures lymphoïdes tertiaires » (Tertiary Lymphoïd Structures [TLS]) permettant l’activation locale des réponses antitumorales. Une fois activés, les lymphocytes B peuvent se différencier en plasmocytes produisant des anticorps dont les isotypes et les fonctions sont divers. Après une révision des fonctions et de la différenciation des lymphocytes B dans les organes lymphoïdes secondaires et de la structure et des fonctions des anticorps, cet article décrit le rôle des lymphocytes B et des TLS dans les défenses antitumorales et l’utilisation des TLS comme biomarqueurs de réponse aux immunothérapies.

Immunothérapies dans le cancer de la prostate : contourner l’immunosuppression pour traiter le cancer

Le cancer de la prostate est le premier cancer chez l’homme en France, et la 3e cause de décès par cancer, malgré des évolutions thérapeutiques majeures ces dernières années. L’essor observé en oncologie pour les « immunothérapies » n’a pas épargné le cancer de la prostate, qui est une des premières tumeurs solides à avoir obtenu une autorisation de mise sur le marché (AMM) temporaire pour une immunothérapie avec le sipuleucel-T, mais ce dernier n’a jamais été remboursé en Europe, limitant grandement son utilisation en routine. Cependant, les inhibiteurs de checkpoints immuns, largement utilisés dans un grand nombre de pathologies, se sont révélés décevants dans le cancer de la prostate métastatique à ce jour. La seule indication actuellement retenue aux États-Unis est celle des patients présentant une instabilité microsatellitaire, ce qui représente 1 à 2 % des cancers de la prostate métastatique. L’enjeu actuel réside dans l’identification des mécanismes de résistance afin d’établir de nouvelles stratégies thérapeutiques, actuellement en cours d’évaluation. Des innovations thérapeutiques basées sur l’ingénierie cellulaire (CAR-T cells, anticorps bispécifiques…) apportent des opportunités supplémentaires, prometteuses dans cette pathologie, en renforçant l’activité des cellules immunes et/ou contournant les résistances induites par le microenvironnement tumoral.

Lymphome B diffus à grandes cellules R/R et anticorps bispécifiques : un nouvel espoir à l’ère de l’immunothérapie

La prise en charge des lymphomes B diffus à grandes cellules (LBDGC) en rechute ou réfractaires est un défi , du fait du pronostic sombre. Les CAR-T cells ont actuellement l’autorisation de mise sur le marché (AMM) en deuxième ligne, mais se heurtent à un délai de fabrication incompressible de 4 à 6 semaines, et à un taux d’échec de l’ordre de 60 % à moyen terme. Le développement sur les dernières années de l’immunothérapie, et plus spécifiquement des anticorps bispécifiques CD3xCD20, offre l’opportunité d’améliorer le pronostic de ces patients, avec des taux de réponse entre 50 et 65 % en monothérapie, dont 30-40 % de réponses complètes. Deux anticorps CD20xCD3, le glofitamab et l’epcoritamab, ont d’ailleurs obtenu en septembre 2023 une autorisation d’accès précoce en troisième ligne. Leur profil de sécurité favorable en fait aussi une éventuelle ressource à associer à d’autres stratégies thérapeutiques (immunomodulateurs, autres immunothérapies ou thérapies ciblées, voire chimiothérapie…). Nous présentons le cas d’un patient atteint d’un LBDGC stade IV primo-réfractaire à deux lignes de traitement dont un comprenant des anthracyclines, chez qui nous avons initié un traitement par epcoritamab. Il présentera rapidement une amélioration clinique avec, après trois cycles, une TEP-TDM qui montre la réponse métabolique complète. Si la prise en charge des LBDGC en rechute ou réfractaires a largement été dominée par une autre immunothérapie, les CAR-T cells, les anticorps bispécifiques viennent aujourd’hui compléter l’arsenal thérapeutique et offrent un nouvel espoir, notamment chez les patients non éligibles à la chimiothérapie et/ou aux CAR-T cells.

Cancers digestifs, les nouvelles pistes

Les traitements par inhibiteurs de point de contrôle immunitaire (ICI) ont récemment montré leur efficacité dans le traitement de nombreux cancers digestifs. Des autorisations de mise sur le marché (AMM) européennes ont été obtenues pour le traitement des cancers de l’œsophage, de l’estomac, des voies biliaires, colorectaux dMMR/MSI et des carcinomes hépatocellulaires. Les cancers dMMR/MSI ont une grande sensibilité aux ICI, pour les autres il existe une variabilité de réponse aux ICI. Dans certaines localisations les AMM sont restreintes à l’expression de PD-L1 selon des seuils variables. D’autres facteurs prédictifs d’efficacité restent à identifier. L’évaluation de la réponse tumorale est parfois complexe et la mise en évidence d’une réponse complète dans certaines tumeurs est importante pour décider un arrêt de traitement puis une surveillance. Les perspectives à court terme sont l’arrivée de l’immunothérapie en situation néoadjuvante/péri-opératoire de différentes tumeurs digestives. Enfin, de nouvelles combinaisons d’immunothérapie ou avec d’autres traitements sont à l’étude dans le traitement des cancers réfractaires aux ICI notamment les adénocarcinomes colorectaux pMMR/MSS et les adénocarcinomes du pancréas.

Cancer bronchique à petites cellules diffus : des longs survivants grâce à l’immunothérapie

Le cancer bronchique à petites cellules (CBPC) est relativement rare mais reste une pathologie difficile à traiter. Pendant plus de vingt ans, le standard de traitement de première ligne des formes étendues n’a pas évolué et était constitué d’une association de sels de platine et d’étoposide. L’arrivée des inhibiteurs de points de contrôle immunitaires a fait évoluer le cours de la maladie en venant s’associer au doublet de chimiothérapie et laisse entrevoir la possibilité d’obtenir des survies prolongées pour ce type histologique de pronostic particulièrement sombre. Les patients qui tirent un bénéfice majeur de l’immunothérapie sont néanmoins minoritaires et l’enjeu des dernières publications basées sur les essais princeps est de tenter d’identifier les facteurs cliniques ou biologiques pouvant permettre de sélectionner au mieux les patients. Il est possible également que les CBPC constituent une entité hétérogène, que l’on pourrait classer en sous-types en fonction de leurs caractéristiques moléculaires et de leurs réponses aux différents traitements. Nous rapportons ici l’exemple d’un patient ayant un CBPC étendu, traité par immunothérapie, qui a bénéficié d’une survie de plus de 3 ans.

Dernières avancées dans le traitement adjuvant et néoadjuvant du mélanome

Pour les patients atteints de mélanome cutané résécable à haut risque de récidive, le choix du traitement adjuvant ou néoadjuvant est basé sur le stade (AJCC 2017 8e édition).
Pour les stades IIB et IIC, un an d’immunothérapie adjuvante avec le pembrolizumab ou le nivolumab est recommandé, plutôt qu’une surveillance.
Stade IIIA
Pour les patients avec des ganglions sentinelles contenant une tumeur < 1 mm, une surveillance peut être envisagée. Pour tous les autres patients, une immunothérapie adjuvante avec un anti-PD-1 (nivolumab ou pembrolizumab) est recommandée. Pour les mélanomes mutés BRAF, un traitement adjuvant par thérapie ciblée dabrafenib et trametinib peut être proposé. Les deux options présentent des profils de toxicité différents.
Stades IIIB, IIIC et IIID
Pour les patients présentant une maladie macroscopique résécable, un traitement initial par pembrolizumab néoadjuvant plutôt qu’une chirurgie primaire est séduisante, suivi d’un traitement adjuvant après chirurgie. Pour les patients n’ayant pas reçu de traitement néoadjuvant, les options de traitement systémique adjuvant comprennent pendant 1 an un anti-PD-1 ou la thérapie ciblée selon le statut BRAF V600.
Stade IV
Pour le stade IV opéré, un traitement adjuvant par nivolumab seul, voire par nivolumab plus ipilimumab suivi du nivolumab en entretien, plutôt que la surveillance seule est recommandé.

Gestion des toxicités liées aux immunothérapies dans le cancer du sein triple négatif

Les indications de l’immunothérapie dans les cancers du sein se limitent actuellement aux cancers du sein triple négatifs, au stade localisé et au stade métastatique. L’immunothérapie est utilisée en association avec la chimiothérapie puis seule en entretien et peut induire des toxicités en rapport avec la chimiothérapie mais aussi des effets indésirables spécifiques, tels que les dysthyroïdies, rash et vitiligo… posant le problème de la gestion particulière de l’immunotoxicité. Nous rapportons ici le cas d’une patiente présentant un cancer du sein triple négatif à un stade localement avancé. La patiente a reçu de la chimiothérapie première à base de taxane et carboplatine puis anthracycline, associés à une immunothérapie néoadjuvante puis adjuvante ; elle a bien toléré le traitement qui a été poursuivi comme prévu. Un bilan endocrinologique a été réalisé à intervalles réguliers en cours de traitement afin de surveiller la tolérance. En effet, les effets indésirables liés aux immunothérapies restent en majorité infracliniques mais peuvent être parfois sévères voire létaux s’ils ne sont pas diagnostiqués précocement pour une prise en charge rapide. Le plus souvent, ils sont réversibles sous corticothérapie mais certains nécessitent l’arrêt du traitement. Ce cas clinique illustre l’intérêt de la surveillance étroite et de la gestion précise des toxicités sous immunothérapie tout en présentant les nouvelles modalités de prise en charge du cancer du sein triple négatif lorsque le traitement est bien toléré.

Indications et place des immunothérapies dans la stratégie thérapeutique des cancers en 2022

Depuis quelques années, l’immunothérapie occupe une place de plus en plus importante dans les stratégies thérapeutiques en oncologie et en oncohématologie. Elle se positionne aujourd’hui comme un standard de traitement dans les cancers digestifs, gynécologiques, du sein, cutanés, de la sphère ORL, thoraciques, génito-urinaires, ainsi que dans certaines hémopathies malignes. À travers les actualités de cette année 2022, la révolution de l’immunothérapie en oncologie solide persiste et signe, avec une remontée des lignes dans plusieurs algorithmes de traitement, qui remettent même en cause la chirurgie dans certaines situations. De même, dans les hémopathies malignes, les approches d’immunothérapie (CAR T-cells et anticorps bispécifiques) confirment leur place aux stades avancés dans le lymphome et le myélome multiple et montrent des résultats positifs, plus ou moins matures, dans les lignes antérieures de traitement. En revanche, l’immunothérapie n’a pas encore trouvé sa place dans les cancers de l’ovaire ou les glioblastomes, avec dans ces derniers un avenir qui se dessine avec des approches vaccinales antigènes-spécifiques. Aujourd’hui, plusieurs essais sont en cours afin de sélectionner les patients qui bénéficieraient d’une meilleure prise en charge et d’enrichir l’arsenal thérapeutique de ces différentes tumeurs.