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Immunothérapie dans les cancers biliaires

L’immunothérapie par les inhibiteurs de checkpoint immunitaire a bouleversé la prise en charge et le pronostic de nombreux cancers durant la dernière décennie. Cette révolution a longtemps épargné les cancers biliaires dont le microenvironnement, bien qu’hétérogène, est le plus souvent un obstacle à la réponse immunitaire antitumorale. L’intégration de l’immunothérapie aux standards de traitement des cancers biliaires avancés advient finalement par sa combinaison à la chimiothérapie conventionnelle par gemcitabine et cisplatine. Les immunothérapies vaccinales ou cellulaires ont produit à ce jour des résultats embryonnaires ou décevants. D’autres stratégies, combinant inhibiteurs de checkpoint immunitaire et chimiothérapies et/ou thérapies ciblées, ou combinant des immunothérapies innovantes, sont en cours d’évaluation.

Carcinomes rénaux à cellules chromophobes – Quelle place pour les traitements systémiques ?

Les carcinomes rénaux à cellules chromophobes sont une forme rare de cancer du rein, classiquement décrite comme de meilleur pronostic à un stade localisé que les carcinomes rénaux à cellules claires. Les récidives sont plus rares, et leur prise en charge est mal codifiée car les essais thérapeutiques incluent peu de patients atteints de carcinomes rénaux à cellules chromophobes métastatiques. Ces tumeurs sont caractérisées par un désert immunologique, ainsi qu’une faible expression de PD-L1, ce qui explique probablement en partie le faible bénéfice des anti-PD-1. Les résultats les plus encourageants sont donc obtenus par les traitements anti-VEGFR, notamment le cabozantinib. Malheureusement, ceux-ci ne bénéficient qu’à un faible nombre de patients. Ici, nous rapportons le cas d’un patient de 53 ans, chez lequel un carcinome rénal à cellules chromophobes a été diagnostiqué à un stade localisé, avant une récidive multimétastatique précoce. Nous discutons de la pertinence d’un traitement adjuvant et des options thérapeutiques à la rechute.

L’oncologie mécanique, nouvelle fenêtre thérapeutique ?

Les aspects mécaniques de la progression tumorale suscitent un intérêt grandissant dans plusieurs axes de recherches. La croissance d’une tumeur primaire s’accompagne d’une rigidification à l’échelle des tissus cancéreux. Les cellules tumorales pourraient, quant à elles, tirer profit de profils mécaniques très différents, allant de très déformable à très rigide, en fonction du contexte et de l’étape de la progression tumorale dans laquelle elles se trouvent. Bien que cette adaptabilité mécanique renforce leur potentiel métastatique, la contourner pourrait permettre d’enrayer cette cascade. Dans ce contexte, le développement de l’immunothérapie anticancéreuse a permis d’obtenir des réponses thérapeutiques spécifiques et durables, surmontant les limites des traitements anticancéreux traditionnels. Cependant, un certain nombre de patients ne répondent pas à ces thérapies. Des données récentes suggèrent que cette absence de réponse peut être, en partie, liée aux profils mécaniques des cellules cancéreuses. Les propriétés biophysiques des cellules cancéreuses pourraient influencer les niveaux de la réponse immunitaire antitumorale ainsi que l’immunosurveillance. Nous discutons ici de l’émergence de l’oncologie mécanique et de sa mise en pratique au niveau thérapeutique via la prise en compte de ce lien étroit entre les propriétés mécaniques des cellules tumorales et leur capacité à échapper à la surveillance immunitaire.

Apport des marqueurs de la biologie moléculaire dans la réponse à l’immunothérapie

L’immunothérapie a profondément modifié les paradigmes thérapeutiques du cancer, améliorant sensiblement la survie des patients dans de nombreuses pathologies, que le stade de la maladie soit avancé ou précoce. Néanmoins, nombreux patients ne tirent pas de bénéfice à ce traitement qui peut avoir des effets indésirables importants. Pour identifier ceux qui en bénéficieront, il est primordial de se doter de biomarqueurs prédictifs de réponse à l’immunothérapie. L’expression immunohistochimique de PD-L1 sur les cellules tumorales, immunitaires ou sur les deux types cellulaires est actuellement le biomarqueur standard dans la plupart des pathologies tumorales. Mais il est sans cesse remis en question devant l’absence d’harmonisation des techniques et scores utilisés, la reproductibilité de l’interprétation du marquage parfois variable et le caractère inductible de son expression. De plus, des réponses cliniques aux inhibiteurs de checkpoints ont été observées chez des patients dont la tumeur n’exprimait pas PD-L1 et vice versa. D’autres biomarqueurs moléculaires ont fait leurs preuves et d’autres émergent, basés sur différentes techniques de séquençage à haut débit de l’ADN ou de l’ARN. Nous décrirons ces biomarqueurs, leurs indications et limitations.

Immunothérapie et cancer de vessie : question de séquence ? Question d’agent ?

L’immunothérapie dans le traitement des carcinomes urothéliaux métastatiques fait désormais partie des standards. Si la chimiothérapie par sels de platine reste la référence, tout en privilégiant le cisplatine chaque fois que cela est possible, les anti-PD-1/PD-L1 ont trouvé leur place soit 1) en situation de seconde ligne après échec des cytotoxiques, avec le pembrolizumab, soit 2) en situation de première ligne en entretien après bénéfice clinique (réponse ou stabilisation) sous chimiothérapie, avec l’avelumab. Le bénéfice potentiel des combinaisons de chimiothérapie et immunothérapie a été évalué dans le cadre d’essais thérapeutiques, dont l’essai GCisAve (NCT03324282). À ce jour, cette approche combinée n’a pas mis en évidence de supériorité à la chimiothérapie seule. D’autres résultats sont en attente. Nous rapportons le cas d’un patient traité dans le cadre du protocole, dont les résultats n’ont pas encore été présentés. Après une réponse satisfaisante intermédiaire après 3 cycles, confirmée après 6 cycles, ce patient a présenté une progression rapide et sévère avec l’apparition de nouvelles métastases hépatiques et ganglionnaires dans les 4 semaines au décours de la dernière cure de traitement par gemcitabine-cisplatine-avelumab. Après discussion avec le patient, compte tenu d’options thérapeutiques limitées à l’époque de la prise en charge, il a été convenu de rechallenger l’immunothérapie malgré cet échappement précoce. Le pembrolizumab a donc été prescrit en situation de seconde ligne, avec une surveillance étroite compte tenu des risques de progression. Après 2 cycles seulement l’imagerie mettait en évidence une réponse sur l’ensemble des lésions. Après 6 cycles la maladie était en réponse complète morphométabolique. Le traitement a été poursuivi jusque récemment, avec une durée totale de 24 mois. Cette évolution inattendue et heureuse sous pembrolizumab après traitement par chimiothérapie-avelumab vient bousculer les idées reçues de sensibilité/résistance aux traitements comme cela a été déterminé avec les sels de platine. Ainsi une progression dans les 6 mois de la fi n de traitement défi nit une maladie platino-résistante sans indication de rechallenge de la chimiothérapie, contrairement à une maladie contrôlée au-delà de 12 mois définissant la platino-sensibilité et l’intérêt d’une reprise au moment de la progression du platine. Des données supplémentaires sont nécessaires concernant l’efficacité de la reprise de l’immunothérapie. Cette question pourrait devenir une question de routine, car le nivolumab devrait bientôt être prescrit en situation adjuvante. Ce cas est l’occasion de refaire le point sur les indications de l’immunothérapie, en situation métastatique.

Place de l’immunothérapie dans le cancer de l’endomètre métastatique, le début d’une longue histoire !

La prise en charge du cancer de l’endomètre (CE) métastatique a pris un virage considérable ces derniers mois. Jusqu’à présent, l’essentiel de la prise en charge était basé sur une stratégie de première ligne associant carboplatine-paclitaxel avec un taux de réponse allant de 40 à 62 %, et des stratégies de secondes lignes de chimiothérapie très décevantes associées à des taux de réponses très faibles. Environ 13 à 30 % des CE métastatiques sont MSI ou dMMR. Ainsi, les inhibiteurs de checkpoint immunitaire (dostarlimab et pembrolizumab notamment) se sont d’abord positionnés en monothérapie en 2e ligne, dans les CE métastatiques dMMR/MSI, avec des taux de réponses en monothérapie variant de 49 à 57 %. Dans les CE métastatiques pMMR/MSS, l’activité de la mono-immunothérapie est très modeste, avec des taux de réponses allant de 3 à 23 %. L’amélioration des connaissances biologiques des CE a ainsi permis une multiplication des études d’association thérapeutique aboutissant aujourd’hui à une deuxième ligne standard associant pembrolizumab-lenvatinib, en accès précoce, indépendamment du statut MMR. De nombreuses réflexions sont nécessaires afin d’affiner le choix optimal de stratégie d’immunothérapie (monothérapie ou bithérapie) en fonction de la signature immunologique et moléculaire tumorale, dans un objectif conjoint de limitation des toxicités. De très nombreuses études de phase III sont en cours, ouvrant ainsi un avenir thérapeutique très riche dans la prise en charge des CE.

Association immunothérapie et chimiothérapie : vers un nouveau standard dans les cancers du sein triple négatifs

La prise en charge des cancers du sein triple négatifs qui a longtemps reposé sur la chimiothérapie seule connaît une évolution majeure avec l’arrivée des inhibiteurs de checkpoint dans l’arsenal thérapeutique. L’essai de phase III Keynote-355 évaluant l’ajout du pembrolizumab à la chimiothérapie en première ligne métastatique a montré un bénéfice sans précédent, notamment en termes de survie globale avec un gain de près de 7 mois chez des patientes dont la médiane de survie est estimée jusqu’alors à 14,8 mois. Nous rapportons le cas d’une patiente traitée dans le cadre de cet essai dont la survie sans progression et la survie globale sont le reflet du bénéfice de cette nouvelle association devenue un nouveau standard thérapeutique.

Rôle de la plasticité phénotypique tumorale dans la résistance aux immunothérapies dans le mélanome

Les anticorps anti-PD-1 et anti-CTLA-4 ont amélioré la survie des patients atteints de mélanome métastatique mais 50 % d’entre eux développent des résistances, innées ou acquises. Au-delà des paramètres immunitaires, la plasticité des cellules cancéreuses, dont le rôle reste à préciser, apparaît comme un mécanisme clé contrôlant la résistance aux traitements, dont les immunothérapies. Le but de ce travail sera de mieux comprendre si la plasticité des cellules de mélanome joue un rôle dans la résistance aux immunothérapies. Dans cette étude, des biopsies cutanées seront analysées à partir d’une cohorte de 40 patients atteints d’un mélanome de stade IV traités par anti-PD-1 en 1re ligne et d’une cohorte de 60 patients atteints d’un mélanome de stade III traités par anti-PD-1 en adjuvant. Les interactions entre les clones tumoraux et les cellules immunitaires seront analysées de manière spatiale à l’échelle de la cellule unique par l’analyse de 5 panels multi-IF réalisés sur lames sériées. La fréquence, l’intensité de chaque marqueur, la localisation spatiale ainsi que la distance entre les différents types cellulaires seront étudiées. Parallèlement, une analyse par RNA-seq permettra ainsi la déconvolution du transcriptome et l’analyse de l’enrichissement des signatures transcriptomiques associées à des mécanismes de réponse ou d’échappement immunitaire. La finalité du projet sera la construction d’un score composite alliant des marqueurs immunitaires et de plasticité tumorale permettant de mieux discriminer les patients bénéficiant de l’immunothérapie.

Indications et place des immunothérapies dans la stratégie thérapeutique des cancers

Depuis quelques années, l’immunothérapie prend une place de plus en plus importante dans les stratégies thérapeutiques en oncologie et en oncohématologie. En effet, l’immunothérapie a bouleversé la prise en charge des mélanomes et se positionne aujourd’hui comme un standard de traitement dans les tumeurs thoraciques, gastrointestinales, génito-urinaires, gynécologiques, ainsi que dans certaines hémopathies malignes. En effet, il ressort que le pembrolizumab est l’arme thérapeutique à mettre en place dans la stratégie dès la première ligne de traitement du cancer colorectal. À travers les actualités de cette année, la révolution de l’immunothérapie en oncologie solide persiste et signe, avec, d’une part, une remontée des lignes dans plusieurs algorithmes de traitements anticancéreux, notamment à travers des résultats positifs dans le carcinome rénal à cellules claires à haut risque en situation adjuvante, ou encore, en 1re ligne du mélanome avec l’association anti-LAG3 + nivolumab. D’autre part, l’immunothérapie a effectué une arrivée remarquée dans le cancer de l’endomètre en stade avancé ou récidivant en association à un anti-angiogénique, et en 1re ligne de traitement du cancer du col de l’utérus en combinaison avec une chimiothérapie. De même, dans les hémopathies malignes, les approches d’immunothérapie (CAR-T cells et les anticorps bispécifiques) confirment leur place aux stades avancés dans le lymphome et le myélome multiple et montrent des résultats positifs, plus ou moins matures, dans les lignes antérieures de traitement. Une attention particulière est portée aux résultats positifs des immunothérapies dans les leucémies aiguës. En revanche, l’immunothérapie n’a pas encore trouvé sa place dans les cancers de l’ovaire ou les glioblastomes, dans ces derniers, un avenir se dessine avec des approches vaccinales antigènes-spécifiques. Fait marquant ! Le statut CPS (Combined Positive Score) est déterminant pour la prise en charge de certaines tumeurs, notamment pour l’utilisation d’une bi-immunothérapie ou une immunochimiothérapie dans les cancers gastriques, les cancers de l’œsophage et les cancers du sein triple négatif métastatiques. Aujourd’hui, plusieurs essais sont en cours afin de sélectionner les patients qui bénéficieraient d’une meilleure prise en charge et d’enrichir l’arsenal thérapeutique de ces différentes tumeurs.

Pembrolizumab et nintedanib pour le traitement du mésothéliome pleural

Le mésothéliome pleural est un cancer caractérisé par une forte angiogenèse. Les 30 patients de l’essai clinique PEMBIB (NCT02856425) ont reçu l’anti-angiogénique nintedanib en combinaison avec l’anti-PD-1 pembrolizumab. 24,1 % des patients ont eu une réponse partielle. 68,4 % et 46,6 % des patients ont eu une maladie stable ou en régression lors des 3 ou 6 premiers mois de traitement respectivement, correspondant à un bénéfice clinique ou un bénéfice clinique durable. Les effets indésirables les plus fréquents étaient la diarrhée et la fatigue. Seuls 13,3 % des patients ont eu des effets indésirables de stade ≥ 3 : myocardite et désordre cardiaque, et augmentation du taux de créatine phosphokinase et de lipase. Une patiente est décédée d’une toxicité cardiovasculaire. Avant traitement, les patients ayant eu un bénéfice clinique durable avaient un fort infiltrat de lymphocytes T CD8+ intratumoraux, d’effecteurs mémoires circulants, et de PD-L1 à la surface des cellules tumorales. Les patients avec une maladie réfractaire avaient quant à eux une forte activation de voies de signalisation impliquées dans le développement du mésothéliome, une aneuploïdie plus importante, et des marqueurs de recrutement de cellules immunosuppressives. Cette étude a montré l’efficacité et la sûreté de la combinaison de pembrolizumab et nintedanib pour le mésothéliome pleural. Le profil tumoral avant traitement pourrait permettre de sélectionner les patients qui bénéficieraient le plus du traitement.