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Indications et place des immunothérapies dans la stratégie thérapeutique des cancers

Depuis quelques années, l’immunothérapie prend une place de plus en plus importante dans les stratégies thérapeutiques en oncologie et en oncohématologie. En effet, l’immunothérapie a bouleversé la prise en charge des mélanomes et se positionne aujourd’hui comme un standard de traitement dans les tumeurs thoraciques, gastrointestinales, génito-urinaires, gynécologiques, ainsi que dans certaines hémopathies malignes. En effet, il ressort que le pembrolizumab est l’arme thérapeutique à mettre en place dans la stratégie dès la première ligne de traitement du cancer colorectal. À travers les actualités de cette année, la révolution de l’immunothérapie en oncologie solide persiste et signe, avec, d’une part, une remontée des lignes dans plusieurs algorithmes de traitements anticancéreux, notamment à travers des résultats positifs dans le carcinome rénal à cellules claires à haut risque en situation adjuvante, ou encore, en 1re ligne du mélanome avec l’association anti-LAG3 + nivolumab. D’autre part, l’immunothérapie a effectué une arrivée remarquée dans le cancer de l’endomètre en stade avancé ou récidivant en association à un anti-angiogénique, et en 1re ligne de traitement du cancer du col de l’utérus en combinaison avec une chimiothérapie. De même, dans les hémopathies malignes, les approches d’immunothérapie (CAR-T cells et les anticorps bispécifiques) confirment leur place aux stades avancés dans le lymphome et le myélome multiple et montrent des résultats positifs, plus ou moins matures, dans les lignes antérieures de traitement. Une attention particulière est portée aux résultats positifs des immunothérapies dans les leucémies aiguës. En revanche, l’immunothérapie n’a pas encore trouvé sa place dans les cancers de l’ovaire ou les glioblastomes, dans ces derniers, un avenir se dessine avec des approches vaccinales antigènes-spécifiques. Fait marquant ! Le statut CPS (Combined Positive Score) est déterminant pour la prise en charge de certaines tumeurs, notamment pour l’utilisation d’une bi-immunothérapie ou une immunochimiothérapie dans les cancers gastriques, les cancers de l’œsophage et les cancers du sein triple négatif métastatiques. Aujourd’hui, plusieurs essais sont en cours afin de sélectionner les patients qui bénéficieraient d’une meilleure prise en charge et d’enrichir l’arsenal thérapeutique de ces différentes tumeurs.

Pembrolizumab et nintedanib pour le traitement du mésothéliome pleural

Le mésothéliome pleural est un cancer caractérisé par une forte angiogenèse. Les 30 patients de l’essai clinique PEMBIB (NCT02856425) ont reçu l’anti-angiogénique nintedanib en combinaison avec l’anti-PD-1 pembrolizumab. 24,1 % des patients ont eu une réponse partielle. 68,4 % et 46,6 % des patients ont eu une maladie stable ou en régression lors des 3 ou 6 premiers mois de traitement respectivement, correspondant à un bénéfice clinique ou un bénéfice clinique durable. Les effets indésirables les plus fréquents étaient la diarrhée et la fatigue. Seuls 13,3 % des patients ont eu des effets indésirables de stade ≥ 3 : myocardite et désordre cardiaque, et augmentation du taux de créatine phosphokinase et de lipase. Une patiente est décédée d’une toxicité cardiovasculaire. Avant traitement, les patients ayant eu un bénéfice clinique durable avaient un fort infiltrat de lymphocytes T CD8+ intratumoraux, d’effecteurs mémoires circulants, et de PD-L1 à la surface des cellules tumorales. Les patients avec une maladie réfractaire avaient quant à eux une forte activation de voies de signalisation impliquées dans le développement du mésothéliome, une aneuploïdie plus importante, et des marqueurs de recrutement de cellules immunosuppressives. Cette étude a montré l’efficacité et la sûreté de la combinaison de pembrolizumab et nintedanib pour le mésothéliome pleural. Le profil tumoral avant traitement pourrait permettre de sélectionner les patients qui bénéficieraient le plus du traitement.

L’immunothérapie dans les cancers cutanés

L’immunothérapie a révolutionné la prise en charge des cancers cutanés. Les anti-CTLA-4 et les anti-PD-(L)1 permettent de bloquer des points de contrôle immunitaire inhibiteurs de l’activation lymphocytaire et de la réponse immunitaire antitumorale. Le traitement de référence en première ligne du mélanome avancé est la combinaison de l’ipilimumab et du nivolumab qui a montré, à long terme, un bénéfice net via une comparaison indirecte avec les données des essais de thérapies ciblées. La monothérapie anti-PD-1 est réservée aux patients fragiles ou bien à visée adjuvante. Dans les carcinomes épidermoïdes cutanés, le cemiplimab a été approuvé en première ligne chez les patients ne pouvant pas bénéficier d’un traitement curatif par chirurgie ou radiothérapie. Ce traitement est maintenant aussi approuvé par la Food and Drug Administration (FDA) grâce aux données récentes d’un essai de phase II dans les carcinomes basocellulaires cutanés réfractaires aux inhibiteurs de la voie Sonic Hedgehog ou bien en cas d’intolérance. Dans le carcinome à cellule de Merkel, le nivolumab, le pembrolizumab et l’avelumab ont été évalués dans des essais de phase I/II et ont démontré une efficacité à long terme supérieure à la chimiothérapie en comparaison indirecte. Seul l’avelumab est approuvé en Europe. Ces immunothérapies devraient constituer la première ligne de traitement. Les effets secondaires des immunothérapies sont liés à la restauration de l’activité lymphocytaire T et sont donc immunomédiés. De nombreux essais cliniques sont en cours afin d’évaluer ces immunothérapies en adjuvant, néoadjuvant et en association avec de nouvelles immunothérapies ou avec d’autres traitements.

Rupture de varices œsophagiennes chez un patient sous immunothérapie par atezolizumab/bevacizumab pour carcinome hépatocellulaire

Introduction. Depuis 2020, la thérapie combinée par atezolizumab/bevacizumab est le traitement de première ligne recommandé pour les carcinomes hépatocellulaires avancés. Le dépistage et la prise en charge prophylactique de l’hypertension portale endoscopique est primordiale devant le risque élevé d’hémorragie par hypertension portale.
Observation. Un homme âgé de 40 ans, connu pour une hépatite B, est adressé pour prise en charge d’un carcinome hépatocellulaire. L’imagerie montre une lésion infiltrante de 4 à 5 cm dans le segment VIII s’accompagnant d’un thrombus tumoral. Il est décidé de réaliser une hépatectomie droite avec résection endoluminale du thrombus portal et reconstruction portale. Quelques mois après, l’imagerie par résonance magnétique de contrôle confirme une récidive intrahépatique multifocale avec envahissement portal, avec une décision de traitement systémique par atezolizumab et bevacizumab. Une endoscopie œso-gastro-duodénale a été réalisée avant de débuter le traitement, qui montrait de larges varices œsophagiennes (VO) ; un traitement prophylactique associant la pose d’élastiques et l’introduction d’un traitement par bêta bloquants a été entrepris. Au 13e jour de la troisième cure d’immunothérapie, survient une hémorragie digestive par rupture de VO, nécessitant une nouvelle ligature de varices œsophagiennes. Le traitement par atezolizumab et bevacizumab est suspendu. Le contrôle morphologique montre une progression tumorale et la décision de changer le traitement systémique pour du sorafenib est prise.
Conclusion. L’association atezolizumab et bevacizumab a prouvé son efficacité et son profil favorable de tolérance dans le traitement du carcinome hépatocellulaire avancé. En cas de rupture de VO, l’arrêt du bevacizumab s’impose. La poursuite de l’atezolizumab seul peut être discuté versus une bascule vers les thérapies de seconde ligne.

Immunothérapie dans les cancers œsogastriques

Le traitement par inhibiteur de point de contrôle immunitaire (ICI) récemment évalué dans le traitement des cancers de l’œsophage montre une amélioration de la survie globale avec les ICI en monothérapie en 2ème ligne comparée à la chimiothérapie, en association avec la chimiothérapie en 1ère ligne comparée à la chimiothérapie seule et en adjuvant après traitement par radiochimiothérapie puis chirurgie comparée à l’observation. L’amélioration de la survie est significative, mais la proportion de long survivants reste faible. Le seul facteur prédictif d’efficacité des ICI est le niveau d’expression de PD-L1 dans la tumeur. De nouvelles questions de stratégie thérapeutique apparaissent avec l’introduction de cette classe thérapeutique dans le traitement des cancers de l’œsophage. En ce qui concerne les adénocarcinomes gastriques métastatiques avec instabilité microsatellitaire, les ICI ont montré leur efficacité, mais le remboursement est toujours en attente en France. Récemment, la combinaison fluoropyrimidine, oxaliplatine et nivolumab (anti-PD-1) a montré sa supériorité sur la chimiothérapie seule en 1ère ligne dans les adénocarcinomes gastriques métastatiques avec un CPS (combined positive score) ≥ 5. Une autorisation de mise sur le marché est en attente en France. De plus, les essais en situation péri-opératoire sont en cours, combinant les anti-PD-1/PD-L1 au schéma FLOT, et permettront peut-être d’améliorer le pronostic des adénocarcinomes gastriques au stade non métastatique. Le principal enjeu actuel reste l’identification de marqueurs prédictifs d’efficacité au-delà de l’instabilité microsatellitaire et de l’expression de PD-L1.

Immunothérapie et cancers de la sphère ORL

Les inhibiteurs de points de contrôle (checkpoint inhibiteurs) anti-PD-1 (nivolumab, pembrolizumab) ont, dans un premier temps, montré leur activité dans le traitement des carcinomes épidermoïdes de la tête et du cou en rechute ou métastatiques (CETEC R/M) prétraités. Le pembrolizumab, utilisé seul ou en association à un doublet sels de platine-5FU, est maintenant validé pour le traitement dès la première ligne des CETEC R/M dont le CPS ≥ 1. Tout comme cela a été fait pour d’autres types de tumeurs (mélanome, carcinomes bronchiques non à petites cellules, carcinomes rénaux), les anti-PD(L)1 sont évalués aux stades local et locorégional en combinaison aux traitements validés des CETEC. Les anti-PD-1 font également leur place en monothérapie dans la prise en charge des carcinomes indifférenciés du rhinopharynx en rechute-métastatique (UCNT R/M) prétraités et ont récemment montré un bénéfice en survie sans progression lorsqu’ajoutés à une chimiothérapie par cisplatine gemcitabine pour les UCNT R/M dès la première ligne R/M. Les résultats d’efficacité de ces anti-PD-1 sont plus décevants pour des tumeurs plus rares telles que les carcinomes thyroïdiens réfractaires à l’iode ou les carcinomes des glandes salivaires. Différentes approches de combinaisons avec des checkpoint inhibiteurs ciblant d’autres récepteurs ou avec des inhibiteurs de tyrosine kinase anti-angiogéniques sont explorées afin d’améliorer le taux de réponse associé à ces traitements.

De l’intestin à la tumeur : rôles des microbes dans la réponse immunitaire antitumorale

Les études sur les communautés microbiennes prospérant au contact des animaux, ou microbiotes, ainsi que sur leurs fonctions sur leurs hôtes ne cessent d’augmenter. Dès la naissance, les différents microbiotes, et notamment celui de l’intestin, régulent fortement la physiopathologie chez l’humain. Parmi leurs nombreux rôles, les microbes de l’intestin ont été décrits comme nécessaires au fonctionnement correct et à la maturation du système immunitaire. Par ailleurs, le microbiote de l’intestin influence également l’initiation et la progression des cancers, en plus de la réponse aux thérapies anticancéreuses, ces effets engageant généralement le système immunitaire. En effet, plusieurs genres et espèces de bactéries ont été associés à l’efficacité, voire à la diminution des effets néfastes des immunothérapies anticancéreuses par inhibiteurs de points de contrôle immunitaire. Les trois composantes que sont les micro-organismes de l’intestin, le système immunitaire et les cancers sont donc étroitement liées. Récemment, le groupe de Nejman et al. a décrit la présence et la composition de microbiotes à l’intérieur du microenvironnement tumoral de mélanomes et d’autres types de tumeurs. Des variations en composition bactérienne de ces microbiotes ont également pu être observées entre les sous-groupes de patients répondeurs ou non aux inhibiteurs de points de contrôle immunitaire. Afin de fournir un rationnel permettant d’expliquer cette observation, le groupe de Kalaora et al. a analysé l’ensemble des peptides produits et présentés à la surface des cellules tumorales. En procédant ainsi, les chercheurs ont découvert que la présentation de peptides bactériens immunogéniques par les cellules tumorales permettrait d’activer une réponse immunitaire antitumorale potentiellement capable de promouvoir l’élimination de la tumeur.

Défis liés à l’utilisation de l’immunothérapie dans des populations particulières : patients à l’état général altéré, patients âgés et personnes vivant avec le VIH

L’efficacité des inhibiteurs de points de contrôle immunitaire (ICI) a été démontrée dans de nombreux essais randomisés avec un bénéfice significatif en survie globale dans un grand nombre de cancers. Quoi qu’il en soit, la plupart de ces essais ont exclu les populations dites particulières, notamment les patients avec un état général altéré (performance status (PS) ≥ 2) ou porteurs d’une infection virale chronique comme le VIH. Malgré l’absence de limite d’âge, la proportion de patients âgés voire très âgés dans ces essais était restreinte. Cette mise au point a pour objectif de présenter les données disponibles concernant l’immunothérapie dans ces populations. Il apparaît qu’une partie de ces patients est capable de développer une réponse immunitaire antitumorale efficace après administration d’un anti-PD-1 ou PD-L1 avec un impact majeur sur la survie et la qualité de vie et ce, malgré un âge avancé, un PS ≥ 2 ou une sérologie HIV positive. Il ne semble pas y avoir de signal de surtoxicité de l’immunothérapie dans ces populations. L’enjeu majeur consiste à identifier des marqueurs fi ables capables de prédire qui va tirer bénéfice de l’immunothérapie. Des études dédiées à ces populations particulières sont absolument nécessaires pour tirer des conclusions définitives. Plusieurs essais thérapeutiques sur ces thématiques sont en cours de recrutement. Nous disposerons des premiers résultats dans quelques mois.

Carcinome rénal à cellules claires métastatique : traitement de 1ère ligne, toxicité et indications chirurgicales

Le cancer du rein métastatique à cellules claires a connu des avancées déterminantes ces dernières années avec l’émergence des thérapies ciblées antiangiogéniques puis celle de l’immunothérapie avec les anti-PD-1/PD-L1 et anti-CTLA-4. L’utilisation de ces inhibiteurs de checkpoint immunitaires que ce soit en monothérapie, en association ou couplés aux thérapies ciblées a entraîné l’apparition de nouveaux effets secondaires comme des pneumopathies immuno-induites dont nous rapportons un cas dans cet article. Nous ferons le point sur les signes cliniques et radiologiques ainsi que les diagnostics différentiels évoqués. Ayant obtenu en parallèle une réponse partielle à l’immunothérapie, le patient a eu une néphrectomie élargie associée à un curage ganglionnaire. Les indications et modalités de la néphrectomie après traitement premier par immunothérapie restent encore à déterminer.

Indications et place des immunothérapies dans la stratégie thérapeutique des cancers

L’immunothérapie occupe désormais une place de choix dans le traitement de plusieurs cancers. En effet, cette année a été marquée par la présentation de plusieurs résultats qui vont permettre à l’immunothérapie de se développer dans ces pathologies : cancer du sein triple négatif (TN), cancers digestifs, cancers génito-urinaires, cancers du poumon… Dans les cancers digestifs, l’immunothérapie commence à trouver sa place en ligne des standards de traitement, en particulier en association avec la chimiothérapie (CT) dans les cancers gastriques et les cancers de l’œsophage avancés ou métastatiques. Dans les cancers du sein, en particulier, le sous-type TN, l’association CT et immunothérapie a montré son intérêt en situation métastatique. Dans les cancers bronchiques, l’immunothérapie a confirmé son efficacité, notamment chez les patients exprimant fortement PD-L1. Parmi les avancées les plus significatives, l’avelumab a été approuvé dans le traitement de maintenance des carcinomes urothéliaux métastatiques. En revanche, les résultats décevants dans les glioblastomes entraînent un certain scepticisme quant à l’efficacité des immunothérapies dans cette indication. Aujourd’hui, l’arsenal thérapeutique s’est encore étoffé et il est nécessaire de travailler sur le développement de biomarqueurs pour sélectionner les patients susceptibles de répondre le mieux à chaque stratégie thérapeutique. Dans ce contexte, plusieurs résultats ont souligné l’intérêt du statut MSI, notamment dans le cancer colorectal et le cancer de l’endomètre où l’immunothérapie a montré son efficacité, ou encore PD-L1 dans les cancers bronchiques.