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De l’intestin à la tumeur : rôles des microbes dans la réponse immunitaire antitumorale

Les études sur les communautés microbiennes prospérant au contact des animaux, ou microbiotes, ainsi que sur leurs fonctions sur leurs hôtes ne cessent d’augmenter. Dès la naissance, les différents microbiotes, et notamment celui de l’intestin, régulent fortement la physiopathologie chez l’humain. Parmi leurs nombreux rôles, les microbes de l’intestin ont été décrits comme nécessaires au fonctionnement correct et à la maturation du système immunitaire. Par ailleurs, le microbiote de l’intestin influence également l’initiation et la progression des cancers, en plus de la réponse aux thérapies anticancéreuses, ces effets engageant généralement le système immunitaire. En effet, plusieurs genres et espèces de bactéries ont été associés à l’efficacité, voire à la diminution des effets néfastes des immunothérapies anticancéreuses par inhibiteurs de points de contrôle immunitaire. Les trois composantes que sont les micro-organismes de l’intestin, le système immunitaire et les cancers sont donc étroitement liées. Récemment, le groupe de Nejman et al. a décrit la présence et la composition de microbiotes à l’intérieur du microenvironnement tumoral de mélanomes et d’autres types de tumeurs. Des variations en composition bactérienne de ces microbiotes ont également pu être observées entre les sous-groupes de patients répondeurs ou non aux inhibiteurs de points de contrôle immunitaire. Afin de fournir un rationnel permettant d’expliquer cette observation, le groupe de Kalaora et al. a analysé l’ensemble des peptides produits et présentés à la surface des cellules tumorales. En procédant ainsi, les chercheurs ont découvert que la présentation de peptides bactériens immunogéniques par les cellules tumorales permettrait d’activer une réponse immunitaire antitumorale potentiellement capable de promouvoir l’élimination de la tumeur.

Microbiote : nouvel allié contre le cancer ?

Depuis quelques années. les recherches sur le lien entre le microbiote intestinal et le traitement des tumeurs par inhibiteurs de checkpoints immunitaires s’intensifient. De nombreuses études indiquent un lien entre les bactéries commensales et la modulation de l’immunité. Aujourd’hui, l’étude de la composition du microbiote et de l’impact des traitements qui peuvent la moduler suscite l’intérêt de nombreux chercheurs. Nous ferons le point sur les arguments précliniques et cliniques qui permettent d’identifier l’implication de certaines bactéries dans la modulation de la réponse aux immunothérapies et de proposer des mécanismes d’action. En effet, la diversité du microbiote, ainsi que la présence de populations spécifiques de bactéries sont associées à une bonne réponse aux immunothérapies. Ces recherches ouvrent la voie à la modulation du microbiote par l’alimentation, les antibiotiques ou probiotiques ou bien des cocktails de bactéries afin d’améliorer les résultats cliniques de l’immunothérapie. La transplantation de microbiote fécal est aussi à l’étude ; les applications potentielles et problèmes à résoudre seront discutés.

Impact du microbiote sur l’efficacité des immunothérapies

Le développement des immunothérapies a révolutionné la prise en charge des patients atteints de cancer. Après la mise sur le marché de l’ipilimumab, le premier anti-CTLA-4, une deuxième génération d’inhibiteurs de checkpoints a vu le jour avec les anti-PD-1 et anti-PD-L1. Ces anticorps monoclonaux permettent de restaurer la réponse lymphocytaire anti-cancéreuse jusqu’alors bloquée dans l’environnement tumoral par la liaison de PD-1 à son ligand PD-L1. Les recherches sur le microbiote intestinal se sont accélérées dans les dernières années permettant de prouver un lien avec l’immunité. Les bactéries commensales interagis­sent avec le système immunitaire intestinal et systémique en modulant les réponses immunitaires. La composition de la flore intestinale interagit avec la réponse immune naturelle contre le cancer et l’efficacité des inhibiteurs de checkpoints. La prise d’antibiotiques à large spectre causant une dysbiose réduit signifi­cativement la survie sans progression et la survie globale des patients sous immunothérapie. Des trans­plantations fécales de patients répondeurs à l’immunothérapie ont été effectuées sur des souris axéniques. Ces souris ont été sensibilisées au traitement ultérieur par inhibiteur de checkpoint. En recherche clinique, chez les non-répondeurs, l’alpha diversité du microbiote est plus faible que chez les répondeurs. Des sou­ches bactériennes considérées comme favorisant la bonne réponse aux anti-PD-1 ont été isolées. Les sou­ches les plus retrouvées dans la littérature sont Bifidobacterium et Akkermansia muciniphila. Des études restent à mener pour identifier de façon fiable les liens entre immunothérapies et bactéries commensales afin de proposer des applications thérapeutiques.