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Gestion des toxicités liées aux immunothérapies dans le cancer du sein triple négatif

Les indications de l’immunothérapie dans les cancers du sein se limitent actuellement aux cancers du sein triple négatifs, au stade localisé et au stade métastatique. L’immunothérapie est utilisée en association avec la chimiothérapie puis seule en entretien et peut induire des toxicités en rapport avec la chimiothérapie mais aussi des effets indésirables spécifiques, tels que les dysthyroïdies, rash et vitiligo… posant le problème de la gestion particulière de l’immunotoxicité. Nous rapportons ici le cas d’une patiente présentant un cancer du sein triple négatif à un stade localement avancé. La patiente a reçu de la chimiothérapie première à base de taxane et carboplatine puis anthracycline, associés à une immunothérapie néoadjuvante puis adjuvante ; elle a bien toléré le traitement qui a été poursuivi comme prévu. Un bilan endocrinologique a été réalisé à intervalles réguliers en cours de traitement afin de surveiller la tolérance. En effet, les effets indésirables liés aux immunothérapies restent en majorité infracliniques mais peuvent être parfois sévères voire létaux s’ils ne sont pas diagnostiqués précocement pour une prise en charge rapide. Le plus souvent, ils sont réversibles sous corticothérapie mais certains nécessitent l’arrêt du traitement. Ce cas clinique illustre l’intérêt de la surveillance étroite et de la gestion précise des toxicités sous immunothérapie tout en présentant les nouvelles modalités de prise en charge du cancer du sein triple négatif lorsque le traitement est bien toléré.

Indications et place des immunothérapies dans la stratégie thérapeutique des cancers en 2022

Depuis quelques années, l’immunothérapie occupe une place de plus en plus importante dans les stratégies thérapeutiques en oncologie et en oncohématologie. Elle se positionne aujourd’hui comme un standard de traitement dans les cancers digestifs, gynécologiques, du sein, cutanés, de la sphère ORL, thoraciques, génito-urinaires, ainsi que dans certaines hémopathies malignes. À travers les actualités de cette année 2022, la révolution de l’immunothérapie en oncologie solide persiste et signe, avec une remontée des lignes dans plusieurs algorithmes de traitement, qui remettent même en cause la chirurgie dans certaines situations. De même, dans les hémopathies malignes, les approches d’immunothérapie (CAR T-cells et anticorps bispécifiques) confirment leur place aux stades avancés dans le lymphome et le myélome multiple et montrent des résultats positifs, plus ou moins matures, dans les lignes antérieures de traitement. En revanche, l’immunothérapie n’a pas encore trouvé sa place dans les cancers de l’ovaire ou les glioblastomes, avec dans ces derniers un avenir qui se dessine avec des approches vaccinales antigènes-spécifiques. Aujourd’hui, plusieurs essais sont en cours afin de sélectionner les patients qui bénéficieraient d’une meilleure prise en charge et d’enrichir l’arsenal thérapeutique de ces différentes tumeurs.

L’immunothérapie dans le traitement des cancers du sein

L’échappement immunitaire est une caractéristique clé du cancer et les traitements qui visent à moduler ou réactiver la réponse immunitaire innée et spécifique sont en plein essor depuis l’avènement des inhibiteurs de points de contrôle immunitaires (ICI). Les stratégies thérapeutiques d’immunothérapie sont diverses : association des inhibiteurs de points de contrôle à une chimiothérapie, anticorps bispécifiques, transfert adoptif de cellules, vaccins peptidiques, etc. Dans le traitement des cancers du sein, le pembrolizumab, un anticorps anti-PD-1 est désormais considéré comme un standard de traitement des cancers du sein triple négatifs métastatiques et localisés, en association à une chimiothérapie. Cette association a montré un bénéfice en survie globale dans le traitement des patientes atteintes de cancer du sein métastatique et une amélioration de la réponse complète histologique et de la survie sans événements en situation néoadjuvante et adjuvante. L’expression de PD-L1 est le biomarqueur prédictif de réponse aux ICI le plus utilisé dans le cancer du sein du fait d’autorisations de mise sur le marché conditionnées à ces tests. De nombreux autres biomarqueurs tantôt pronostiques ou prédictifs existent et méritent d’être considérés. L’environnement tumoral immunitaire des cancers du sein est hétérogène et les cancers du sein exprimant les récepteurs aux œstrogènes sont les moins à même de répondre aux ICI et à l’immunothérapie. Des essais thérapeutiques associant les ICPI à des anticorps anti-HER2, des inhibiteurs de PARP ou des ADC sont en cours. Les toxicités immuno-induites peuvent être irréversibles et méritent une attention particulière à l’avenir. Elles sont à même de nuancer le bénéfice de cette classe de médicaments, notamment en situation néoadjuvante et adjuvante.

Cancer urothélial métastatique et immunothérapie : changement d’histoire naturelle et approche multidisciplinaire

La prise en charge des carcinomes urothéliaux métastatiques s’est modifiée ces dernières années avec l’arrivée de l’immunothérapie de maintenance par avelumab chez les patients non progressifs sous 1re ligne de traitement à base de sels de platine. L’étude de phase III randomisée JAVELIN Bladder 100 a montré un bénéfice en survie globale de cette stratégie de maintenance avec approximativement 1/3 des patients encore sous traitement après 1 an d’avelumab. Cette amélioration de la survie de nos patients a modifié l’histoire naturelle des carcinomes urothéliaux comme cela a été le cas d’autres types tumoraux. De nombreuses questions restent sans réponse concernant la 1re ligne de chimiothérapie et le traitement de maintenance : quel nombre de cycles optimal de chimiothérapie, le type de chimiothérapie ou encore l’intervalle entre la fi n de chimiothérapie et l’initiation du traitement de maintenance, la durée de la maintenance ? De nouvelles questions émergent du fait de l’amélioration de la survie de nos patients. Nous rapportons le cas d’un patient traité en 1re ligne par une chimiothérapie de type MVAC-intensif pour un carcinome urothélial métastatique d’emblée. Après une réponse complète selon RECIST 1.1 nous avons initié le traitement de maintenance par avelumab. Après une persistance de la réponse complète systémique, le patient développe une récidive locale sous forme de tumeur de vessie non infiltrant le muscle (TVNIM). La récidive de la tumeur primitive sous forme de TVNIM soulève la question de la prise en charge : cystectomie radicale versus BCG thérapie versus changement de ligne thérapeutique ? Pour quel patient et quand ? Par ailleurs ce cas illustre la nécessité d’une surveillance de la vessie par nos collègues urologues lorsque celle-ci est toujours en place. La prise en charge des récidives locales relève d’une approche pluridisciplinaire et remet nos collègues urologues et/ou radiothérapeutes au centre de la prise en charge de nos patients métastatiques qui jusqu’alors étaient quasi exclusivement suivis par les oncologues médicaux.

Immunothérapie dans les cancers biliaires

L’immunothérapie par les inhibiteurs de checkpoint immunitaire a bouleversé la prise en charge et le pronostic de nombreux cancers durant la dernière décennie. Cette révolution a longtemps épargné les cancers biliaires dont le microenvironnement, bien qu’hétérogène, est le plus souvent un obstacle à la réponse immunitaire antitumorale. L’intégration de l’immunothérapie aux standards de traitement des cancers biliaires avancés advient finalement par sa combinaison à la chimiothérapie conventionnelle par gemcitabine et cisplatine. Les immunothérapies vaccinales ou cellulaires ont produit à ce jour des résultats embryonnaires ou décevants. D’autres stratégies, combinant inhibiteurs de checkpoint immunitaire et chimiothérapies et/ou thérapies ciblées, ou combinant des immunothérapies innovantes, sont en cours d’évaluation.

Carcinomes rénaux à cellules chromophobes – Quelle place pour les traitements systémiques ?

Les carcinomes rénaux à cellules chromophobes sont une forme rare de cancer du rein, classiquement décrite comme de meilleur pronostic à un stade localisé que les carcinomes rénaux à cellules claires. Les récidives sont plus rares, et leur prise en charge est mal codifiée car les essais thérapeutiques incluent peu de patients atteints de carcinomes rénaux à cellules chromophobes métastatiques. Ces tumeurs sont caractérisées par un désert immunologique, ainsi qu’une faible expression de PD-L1, ce qui explique probablement en partie le faible bénéfice des anti-PD-1. Les résultats les plus encourageants sont donc obtenus par les traitements anti-VEGFR, notamment le cabozantinib. Malheureusement, ceux-ci ne bénéficient qu’à un faible nombre de patients. Ici, nous rapportons le cas d’un patient de 53 ans, chez lequel un carcinome rénal à cellules chromophobes a été diagnostiqué à un stade localisé, avant une récidive multimétastatique précoce. Nous discutons de la pertinence d’un traitement adjuvant et des options thérapeutiques à la rechute.

L’oncologie mécanique, nouvelle fenêtre thérapeutique ?

Les aspects mécaniques de la progression tumorale suscitent un intérêt grandissant dans plusieurs axes de recherches. La croissance d’une tumeur primaire s’accompagne d’une rigidification à l’échelle des tissus cancéreux. Les cellules tumorales pourraient, quant à elles, tirer profit de profils mécaniques très différents, allant de très déformable à très rigide, en fonction du contexte et de l’étape de la progression tumorale dans laquelle elles se trouvent. Bien que cette adaptabilité mécanique renforce leur potentiel métastatique, la contourner pourrait permettre d’enrayer cette cascade. Dans ce contexte, le développement de l’immunothérapie anticancéreuse a permis d’obtenir des réponses thérapeutiques spécifiques et durables, surmontant les limites des traitements anticancéreux traditionnels. Cependant, un certain nombre de patients ne répondent pas à ces thérapies. Des données récentes suggèrent que cette absence de réponse peut être, en partie, liée aux profils mécaniques des cellules cancéreuses. Les propriétés biophysiques des cellules cancéreuses pourraient influencer les niveaux de la réponse immunitaire antitumorale ainsi que l’immunosurveillance. Nous discutons ici de l’émergence de l’oncologie mécanique et de sa mise en pratique au niveau thérapeutique via la prise en compte de ce lien étroit entre les propriétés mécaniques des cellules tumorales et leur capacité à échapper à la surveillance immunitaire.

Apport des marqueurs de la biologie moléculaire dans la réponse à l’immunothérapie

L’immunothérapie a profondément modifié les paradigmes thérapeutiques du cancer, améliorant sensiblement la survie des patients dans de nombreuses pathologies, que le stade de la maladie soit avancé ou précoce. Néanmoins, nombreux patients ne tirent pas de bénéfice à ce traitement qui peut avoir des effets indésirables importants. Pour identifier ceux qui en bénéficieront, il est primordial de se doter de biomarqueurs prédictifs de réponse à l’immunothérapie. L’expression immunohistochimique de PD-L1 sur les cellules tumorales, immunitaires ou sur les deux types cellulaires est actuellement le biomarqueur standard dans la plupart des pathologies tumorales. Mais il est sans cesse remis en question devant l’absence d’harmonisation des techniques et scores utilisés, la reproductibilité de l’interprétation du marquage parfois variable et le caractère inductible de son expression. De plus, des réponses cliniques aux inhibiteurs de checkpoints ont été observées chez des patients dont la tumeur n’exprimait pas PD-L1 et vice versa. D’autres biomarqueurs moléculaires ont fait leurs preuves et d’autres émergent, basés sur différentes techniques de séquençage à haut débit de l’ADN ou de l’ARN. Nous décrirons ces biomarqueurs, leurs indications et limitations.

Immunothérapie et cancer de vessie : question de séquence ? Question d’agent ?

L’immunothérapie dans le traitement des carcinomes urothéliaux métastatiques fait désormais partie des standards. Si la chimiothérapie par sels de platine reste la référence, tout en privilégiant le cisplatine chaque fois que cela est possible, les anti-PD-1/PD-L1 ont trouvé leur place soit 1) en situation de seconde ligne après échec des cytotoxiques, avec le pembrolizumab, soit 2) en situation de première ligne en entretien après bénéfice clinique (réponse ou stabilisation) sous chimiothérapie, avec l’avelumab. Le bénéfice potentiel des combinaisons de chimiothérapie et immunothérapie a été évalué dans le cadre d’essais thérapeutiques, dont l’essai GCisAve (NCT03324282). À ce jour, cette approche combinée n’a pas mis en évidence de supériorité à la chimiothérapie seule. D’autres résultats sont en attente. Nous rapportons le cas d’un patient traité dans le cadre du protocole, dont les résultats n’ont pas encore été présentés. Après une réponse satisfaisante intermédiaire après 3 cycles, confirmée après 6 cycles, ce patient a présenté une progression rapide et sévère avec l’apparition de nouvelles métastases hépatiques et ganglionnaires dans les 4 semaines au décours de la dernière cure de traitement par gemcitabine-cisplatine-avelumab. Après discussion avec le patient, compte tenu d’options thérapeutiques limitées à l’époque de la prise en charge, il a été convenu de rechallenger l’immunothérapie malgré cet échappement précoce. Le pembrolizumab a donc été prescrit en situation de seconde ligne, avec une surveillance étroite compte tenu des risques de progression. Après 2 cycles seulement l’imagerie mettait en évidence une réponse sur l’ensemble des lésions. Après 6 cycles la maladie était en réponse complète morphométabolique. Le traitement a été poursuivi jusque récemment, avec une durée totale de 24 mois. Cette évolution inattendue et heureuse sous pembrolizumab après traitement par chimiothérapie-avelumab vient bousculer les idées reçues de sensibilité/résistance aux traitements comme cela a été déterminé avec les sels de platine. Ainsi une progression dans les 6 mois de la fi n de traitement défi nit une maladie platino-résistante sans indication de rechallenge de la chimiothérapie, contrairement à une maladie contrôlée au-delà de 12 mois définissant la platino-sensibilité et l’intérêt d’une reprise au moment de la progression du platine. Des données supplémentaires sont nécessaires concernant l’efficacité de la reprise de l’immunothérapie. Cette question pourrait devenir une question de routine, car le nivolumab devrait bientôt être prescrit en situation adjuvante. Ce cas est l’occasion de refaire le point sur les indications de l’immunothérapie, en situation métastatique.

Place de l’immunothérapie dans le cancer de l’endomètre métastatique, le début d’une longue histoire !

La prise en charge du cancer de l’endomètre (CE) métastatique a pris un virage considérable ces derniers mois. Jusqu’à présent, l’essentiel de la prise en charge était basé sur une stratégie de première ligne associant carboplatine-paclitaxel avec un taux de réponse allant de 40 à 62 %, et des stratégies de secondes lignes de chimiothérapie très décevantes associées à des taux de réponses très faibles. Environ 13 à 30 % des CE métastatiques sont MSI ou dMMR. Ainsi, les inhibiteurs de checkpoint immunitaire (dostarlimab et pembrolizumab notamment) se sont d’abord positionnés en monothérapie en 2e ligne, dans les CE métastatiques dMMR/MSI, avec des taux de réponses en monothérapie variant de 49 à 57 %. Dans les CE métastatiques pMMR/MSS, l’activité de la mono-immunothérapie est très modeste, avec des taux de réponses allant de 3 à 23 %. L’amélioration des connaissances biologiques des CE a ainsi permis une multiplication des études d’association thérapeutique aboutissant aujourd’hui à une deuxième ligne standard associant pembrolizumab-lenvatinib, en accès précoce, indépendamment du statut MMR. De nombreuses réflexions sont nécessaires afin d’affiner le choix optimal de stratégie d’immunothérapie (monothérapie ou bithérapie) en fonction de la signature immunologique et moléculaire tumorale, dans un objectif conjoint de limitation des toxicités. De très nombreuses études de phase III sont en cours, ouvrant ainsi un avenir thérapeutique très riche dans la prise en charge des CE.